Quand on regarde "Jurassic World", on a envie de demander : merci qui ? Merci Spielberg, bien sûr ! Car ne nous y trompons pas, "Jurassic World" surfe sur les ruines du parc d’attractions dont rêvait John Hammond et pour lequel ce dernier avait dépensé sans compter. "Jurassic World" est donc un "Jurassic Park 4", alors que je pensais qu’il s’inspirait seulement de quelques éléments des films de Spielberg en proposant soit une relecture du film original, soit quelque chose de totalement nouveau. D’ailleurs, le film de Colin Trevorrow reprend beaucoup (trop) d’éléments du premier "Jurassic Park", dont certains décors de là où tout a commencé. Si certaines évocations font plaisir parce qu’elles permettent de rendre à César ce qui appartient à César, beaucoup trop de choses sont reprises
: des enfants égarés dans la nature et livrés à eux-mêmes, du personnel qui se fait bouffer, l’attaque d’un ersatz de dinosaure sur un véhicule, la traque de ce même dino échappé de son enclos par quelqu’un qui connait très bien le comportement de ces grosses bestioles pour récupérer des gamins indisciplinés, et j’en passe
. Ce qui me fait dire que ce "Jurassic World" manque cruellement de caractère ! Alors que Spielberg et ses deux scénaristes (dont Michael Crichton) s’étaient beaucoup documentés pour rattacher leur fiction au plus près possible de la réalité, Colin Trevorrow et ses quatre scénaristes (rien que ça !) parmi lesquels ne figure pas l’écrivain Michael Crichton (tiens tiens…) ont choisi de nous en mettre plein les yeux en proposant de nouvelles choses pour susciter chez le spectateur plus de sensations. Un peu comme les parcs d’attraction, obligés de se renouveler régulièrement pour garder leur public. Ben tiens, c’est ce dont il s’agit en plus ! Les attractions proposées se font à bord de vaisseaux révolutionnaires, et le parc animalier s’est étoffé de nouvelles créatures, de véritables aberrations de la nature créées par la bêtise humaine, elle-même motivée par la course perpétuelle au sensationnalisme. Quoiqu’il en soit, quand on prend suffisamment de recul pour regarder la trame dans sa généralité, il en ressort une sensation de déjà-vu. Je suppose que c’est pour ça qu’on ne ressent pas autant les émotions qu’avait suscité "Jurassic Park". Si Spielberg nous avait enchantés des merveilles de la nature avec les énormes inspirations et expirations du triceratops malade (scène culte selon moi), ce n’est pas le cas devant le brachiosaure blessé. Certes on ressent un petit pincement au cœur, mais le sentiment de saveur provoquée par ce genre de scène est tout de même beaucoup moins prononcé, pour ne pas dire évaporé. Si, par une autre scène culte, Spielberg nous avait plongés dans une tension insoutenable lors de l’attaque du T-Rex sur le véhicule bloqué faute d’alimentation électrique (je m’étais alors surpris à retrouver mes doigts incrustés dans les accoudoirs), il n’en est pas de même pour l’attaque du D.N.I. (acronyme de Dinosaure Non Identifié) sur le véhicule sphérique
occupé par les deux foutus gosses
. Pour couronner le tout, les invraisemblances sont nombreuses, beaucoup trop nombreuses. Cela commence par l’appel de fonds : devant le désastre qu’avait été le parc de John Hammond, je ne vois pas comment les investisseurs pourraient consentir à contribuer à apporter de l’argent dans un projet similaire. Et donc, je ne vois pas comment ils pourraient ne serait-ce qu’un instant s’y intéresser. Mais bon : ils sont là. Et puis ce n’est pas le plus grave encore. Ensuite, cela passe par des manipulations génétiques pour créer de nouvelles bestioles, toujours plus grosses et plus impressionnantes. Déjà que recréer de telles créatures posait un sacré problème d’éthique et de dangerosité soulevé par le mathématicien Ian Malcolm (Jeff Goldblum) dans "Jurassic Park", là ça dépasse l’entendement, bien que cela pose la question sur les manipulations génétiques hasardeuses. De plus, on s’interroge sur le financement de la construction du parc à la technologie avancée, car "Jurassic World" met en scène pour la première fois un parc d’attractions entièrement opérationnel et ouvert au public. Bon, là n’est pas le plus grave non plus. Le plus beau, le plus fort, c’est que lors de leur fuite, les enfants se retrouvent dans les anciens locaux du parc originel laissé à l’abandon
: 20 années se sont écoulées, et pourtant ils remettent la main sur des lunettes à vision de nuit… toujours opérationnelles (quelqu’un peut me dire où on peut se procurer ces accus ?), et surtout, ils parviennent à redémarrer les Jeeps de "Jurassic Park" sans souci après avoir réglé vite fait bien fait le problème de batterie. Ouaouh ! Non seulement ils s’y connaissent un petit peu en mécanique, mais le plus étonnant est que le moteur redémarre comme si le temps n’avait eu aucune emprise sur lui. Bon d’accord, les véhicules étaient à l’abri, mais quand on voit que les pneus sont toujours impeccablement gonflés, je dis non ! Trop c’est trop
! Et je ne parle même pas de la relation existant entre Owen Grady (Chris Pratt) et les velociraptors : ça, ça m’en a bouché un coin, mais pas vraiment dans le bon sens du terme. Mais bon, pourquoi pas ? Alors même si "Jurassic World" se révèle tout de même suffisamment distrayant (d’où ma note) malgré son manque d’inventivité, on se surprend quand même à regretter vivement le génie de Spielberg du fait de la trop grande similitude entre les deux longs métrages. Finalement, ce film répond en tout point à son cahier des charges visant à distraire le spectateur, grâce notamment à des effets spéciaux réussis, et à une petite dose d’humour toujours la bienvenue. Cependant pas grand monde ne sera dupe : ça ne vaut pas le mythique "Jurassic Park" de Monsieur Steven Spielberg. Car "Jurassic World" en vient rapidement au spectaculaire, réduisant le développement des personnages à sa plus simple expression. Par exemple, c'est à se demander ce que le rôle tenu par Omas Sy vient faire là...