Avec un rythme très lent qui peut en irriter plus d'un dans les années 2010 - et certainement pas moi -, "Le Samouraï" met en scène un personnage dénué d'affection, n'ayant de coeur que pour son métier de tueur, qu'il exerce avec un professionnalisme sans faille (du moins pendant la majeure partie du film...). Quand, au feu rouge, une jolie fille lui fait un sourire charmeur, il s'en fout royalement, et détourne son regard glacial. Le physique parfait d'Alain Delon, qui maîtrise son rôle avec une justesse inquiétante, concorde à merveille avec la froideur de ce personnage. Film aussi mythique que son réalisateur, "Le Samouraï" est considéré par beaucoup (tout le monde ?) comme l'oeuvre la plus aboutie de Jean-Pierre Melville ; et une fois planté devant son écran, on comprend pourquoi : mise en scène d'un équilibre absolu, perfection du cadrage et des couleurs, musique discrète mais envoûtante, sens aigu de la tragédie et bien sûr un final éblouissant ; et, contrairement à de nombreux thrillers d'aujourd'hui qui se perdent dans des scènes d'action outrancières pour cacher un certain vide scénaristique ou dramatique, celles du "Samouraï" sont minimalistes, rendant le suspense plus efficace et le récit plus prenant (la belle et longue scène de la filature à travers les stations de métro n'aurait pas eu la même saveur avec des poursuites à cent à l'heure, des fusillades à gogo et une musique de blockbuster... mais il faut dire que, de toute manière, ce genre de procédés n'était pas très courant au beau milieu les années 1960...). Un éternel classique du polar noir à la française, dont nombre de grands cinéastes avouent s'être inspirés, à savoir Quentin Tarantino, John Woo, Martin Scorcese, Jim Jarmush (jolie petite liste, hein ?)... Bref, un chef-d'oeuvre comme le cinéma français en offre trop rarement, surtout de nos jours.