Derrière un contexte simple, Claude Miller s’aventure avec franchise et liberté sur un terrain peu emprunté, celui d’une exploration de la masculinité et de ses doutes. Chacun des deux protagoniste se retrouve dans l’interrogation de sa nature d’homme et celui qui a l’air le plus perdu n’est pas forcément celui que l’on croit. Si Philippe a une passion un peu dérangeante (surtout pour l’époque), rien ne nous dit qu’il en souffre. Il peut très bien l’assumer, du moins tant que cela se passe en privé. Sa difficulté serait plutôt de ne pas pouvoir en parler ou de penser que Marc ( qui représente la masculinité idéale), seul témoin et donc juge de sa « déviance «, se fasse de fausses idées sur, notamment, son orientation sexuelle. D’un autre côté, Marc, on peut le comprendre, reste dans le doute. Au delà de ce thème d’une éventuelle homosexualité latente, j’ai l’impression que Miller voit quelque chose de plus universel et de plus proche qui serait le thème de la fragilité du masculin et de sa construction. En effet, chacun des hommes en vient à réaliser qu’il lui manque quelque chose, quelque chose qu’il identifie chez l’autre : Philippe aimerait posséder l’assurance et la virilité de Marc alors que celui-ci semble envier voire jalouser Philippe pour sa richesse intérieure et le fait qu’il ait une intimité inhabituelle ou simplement une vie intime. Quand Philippe propose à Marc de faire jouer leurs mômes ensemble, il ne lui propose rien de moins que ce deal : donne moi un peu de ta virilité et je te donnerai un peu de ma sensibilité. Voilà, bon c’est sûrement un peu trop psychologique pour une analyse cinéma mais à vrai dire, le film est tellement bien fait qu’on en arrive à oublier qu’on voit un film ;), la réalisation laissant toute leur place au développement de la thématique et des personnages.
"La meilleure façon de marcher" est un excellent film sur le tabou, le non-dit, les sentiments refoulés. Miller dirige ses acteurs avec talent, à demi-mots, dans des nuances subtiles, il les met à nue et leur fait dire avec les yeux ce qu'ils n'osent pas dire avec des mots. Un film épatant et terriblement touchant. Le duo Dewaere-Bouchitey fonctionne à merveille. Ah que c'est agréable de voir du vrai cinéma ! Soit dit en passant pour les fans de Patrick Bouchitey je suis tombé par hazard sur un court métrage tout récent (2006) dans lequel il joue le rôle principal, c'est un petit bijou ! Je vous invite à passer voir ce film sur le site : www.paulemileraoul.com