Manderlay est le deuxième volet de la trilogie inachevée "USA : Land of Opportunities", initiée en 2003 avec Dogville. Le premier épisode étant un chef d’œuvre absolu, il était évident que la suite allait souffrir de la comparaison, et à juste titre : Manderlay n'a pas l'ambiance étouffante de Dogville, ni sa montée progressive en tension. Pire, l'attachement au personnage de Grace, qui était le cœur du film précédent, est extrêmement amoindri, pour ne pas dire absent. Cela vient peut-être du changement d'actrice, Bryce Dallas Howard reprenant le rôle de Nicole Kidman. On y perd au change, même si le jeu de la nouvelle venue, sans atteindre les sommets de sa collègue, est tout à fait correct et m'a agréablement surpris. Manderlay reprend le même système de décors que Dogville, mais le réalisateur n'a pas vraiment l'air de savoir quoi en faire. Ils ne servent plus le propos du film et donnent l'impression d'être plus là par soucis de cohérence visuelle que d'ambition artistique. C'est dommage. Pareil pour la musique, qui est presque intégralement reprise de l'autre opus. La construction de l'histoire est moins maîtrisée, l'intrigue mettant du temps à démarrer et le vrai message étant délivré dans les deux derniers chapitres. Mais il faut quand même reconnaître que Lars von Trier montre le racisme sous un angle inédit et terriblement intelligent. Il va complètement à contre-courant de ce qu'il se fait habituellement et c'est vraiment intéressant.
Il en va de même pour la critique de la démocratie, qui une fois instaurée n'est efficace que quand Grace prend les devants, pousse les gens à voter et travailler en groupe. Ils ont besoin d'un chef pour les guider et leur dire quoi faire, sans quoi quand ils votent ils prennent des solutions barbares (l’exécution de Wilma), ce à quoi Grace est très réticente. Celle qui prône la démocratie hésite même à imposer sa vision des choses, qu'elle considère comme la bonne. Une vision de la démocratie décidément remplie de sarcasme.
Manderlay est évidemment un bon film, mais il est bien plus maladroit que son prédécesseur et possède des défauts non négligeables (la construction manquant de rythme, les personnages beaucoup moins marquants à l’exception de Wilhelm et Timothy...). A voir quand même pour l'histoire et le message, typiques des films de Lars von Trier.