Après Dogville, Manderlay. Même parti-pris artistique (décors réduits à leur plus simple expression, option qui se justifiait parfaitement en cours de film sur le premier épisode, et qui, sur cette suite, permet certes quelques petits plaisirs visuels comme le plan d'ouverture, mais ne dépasse jamais le stade du gimmick), troupe d'acteurs remaniée (Bryce Dallas Howard remplace sans démériter - mais pas pour autant avantageusement - Nicole Kidman, Willem Dafoe, pourtant excellent acteur, n'a pas la stature de James Caan, Jean-Marc Barr et Udo Kier reprennent chacun leur rôle de figurant de luxe, Lauren Bacall hérite d'un personnage différent et, pour ce qui est de la nouveauté, Danny Glover et Isaac de Bankolé font des merveilles), même structure narrative (fable en plusieurs chapitres), même musique, même manipulation macchiavellique du candide personnage principal et du spectateur, et même ressenti : le récit démarre mollement (on n'a en outre plus l'effet de surprise visuelle), prend vraiment son temps avant d'offrir quelques scènes intéressantes (la découverte de la classification, l'offre de services du tricheur professionnel), pour rattrapper le coup et finir en beauté dans un maelström de révélations et retournements de situation s'appuyant sur des faits apparament anodins disséminés ça et là tout au long du récit, ainsi que sur la faculté d'aveuglement de l'héroïne, donc du public. Au final, Lars Von Trier, au-delà de l'évidente condamnation de l'esclavage, va plus loin en foulant du pied la plus sacrée des valeurs américaines (et européenne par extension) et jette ses fautes à la face de l'occident en se bornant à exposer les problèmes sans pour autant proposer une réponse à la situation. Le ton ironique et complètement désabusé - pour ne pas dire misanthrope - avec lequel l'auteur dépeint la société semble indiquer avec fatalisme qu'il n'en existe pas...