Benoit Poelvoorde irradie ce film et écrase un peu de son talent le reste du casting. Cet acteur, dont il est de notoriété publique qu’il est bipolaire, rend l’émotion de son personnage tellement palpable à l’écran que çà en devient troublant. En incarnant cet homme si perdu en lui-même, qui utilise un humour de clown blanc pour tenir soigneusement à l’écart quiconque voudrait s’approcher un peu trop près de lui, l’acteur belge trouve ici peut-être son plus beau rôle (avec « Entre ses mains », peut-être, dans un genre différent) et bouleverse le spectateur au-delà de ce qu’il a déjà fait antérieurement. Le couple qu’il forme avec le tout jeune Max Baissette de Malglaive est à la fois drôle et touchant, ces deux là font passer la tendresse dans chaque scène où ils se retrouvent. A leur côtés, Ariane Labed fait mieux que se défendre dans son rôle d’écorchée vive, avec une jolie manière de jouer avec les silences. La réalisation est un peu académique mais avec parfois des plans très jolis (la piscine), et des moments de dialogues silencieux bienvenus. Peut-être certains d’entre vous trouveront le scénario un peu trop sombre, un peu trop pathos aussi, surtout sur la fin. Je peux comprendre qu’on puisse être hermétique à tant de mélancolie, surtout quand on a la chance de ne jamais avoir eu à chercher « sa place sur la Terre » ! Mais pour tous les autres, ceux qui la cherche encore, certains passages, certains dialogues résonnent fortement, presque douloureusement. J’ai à plusieurs reprise eu les larmes au bord des cils, juste à cause d’une petite scène où d’une phrase de dialogue. La rencontre de deux solitudes n’est pas une chose si rare que cela, deux solitudes qui tentent de se guérir au contact l’une de l’autre non plus, il y a une espèce d’instinct qui rapproche les introvertis. Mais il n’y a pas de miracle, au final, l’un va plus vite où plus loin que l’autre, et finit par prendre son envol en laissant l’autre sur le bord du chemin. C’est ainsi dans la vie, c’est ainsi dans le film de Fabienne Godet. Mais une happy end, même douce amère, aurait été incongrue. On peut regretter le choix d’une fin un peu trop triste, mais au regard de tout le film, il aurait difficilement pu en être autrement : « Est-ce qu’on s’habitue un jour au malheur des autres ? » « Oui, et c’est de cela qu’on meurt ».