Comédie bouffonne préfigurant les sillons d’«Il Sorpasso», «Il Vedovo » (Italie, 1959) de Dino Risi s’attèle à l’absurdité cynique d’un couple bourgeois. Lorsque Risi le réalisa, l’Italie incarnait aux yeux du monde le foyer du néo-réalisme, une des pierres fondatrices sur laquelle se constitua le régime esthétique moderne. A la suite (une quinzaine d’années plus tard) des grands œuvres de Visconti, Fellini, Rossellini, des cinéastes comme Risi, Scola, Monicelli défendent la comédie à l’italienne, directement héritée des «téléphones blancs». Dino Risi pour «Il Vedovo» se détache entièrement du néo-réalisme et développe un humour populaire, jouant du fantasme des couples blasés. Un homme, Alberto Nardi, continuellement frustré par sa femme douée qui n’a de cesse de le rabaisser, la croit morte dans un accident de train. Alberto grime sa joie sous les apparats grossiers d’un chagrin. Risi enclenche dès lors le véritable feu de son œuvre en confrontant l’homme à sa femme, survivante à l’accident de son train. L’humour populiste très proche de celui des films de Zidi, hérité de la commedia dell’arte et du théâtre de boulevard, confond l’hystérie truculente d’Alberto Sordi ave celle de Louis de Funès. Polie par sa tradition classique et son ambition fédératrice, le regard que Risi porte sur la bourgeoisie se révèle non moins emprunt de cynisme. De cette curieuse, à défaut d’être réussie, imbrication du classique (régime artistique du passé) avec le cynisme (comportement regardant l’avenir) résulte un récit réussi, articulé par un metteur en scène sagace, artisan du cinéma plutôt qu’artiste du mouvement. La difficile progression de l’intrigue, s’arrêtant sur l’atmosphère de l’instant pour enfler les effets de l’humour, fait des séquences davantage des clichés que de véritables espaces de vie. Régression ou alternative, l’œuvre de Risi se démarque entièrement de l’héritage du néo-réalisme, lui préférant celui antérieur de la comédie bourgeoise.