Adapté du roman éponyme d'Arthur Conan Doyle (le papa de Sherlock Holmes) qui fait d'ailleurs une apparition au début du film pour présenter son oeuvre, Le Monde perdu est considéré comme le premier film de dinosaures (en long-métrage) de l'histoire du cinéma. Grosse frayeur collective et gros succès populaire à l'époque de sa sortie, en 1925. C'est aujourd'hui un film culte et, rétrospectivement, l'oeuvre matrice des nombreux films de monstres préhistoriques qui ont suivi : King Kong, Godzilla, Jurassik Park... Le King Kong de Cooper et Schoedsack (1933) reprendra toute son architecture narrative (une expédition, la découverte d'un territoire peuplé de grosses bêtes d'un autre âge, l'arrivée mouvementée d'une de ces grosses bêtes dans une grande ville - New York dans King Kong, Londres dans Le Monde perdu). Et Spielberg, dans Jurassik Park, retrouvera avec d'autres moyens techniques le potentiel d'émerveillement et d'effroi qui naît de la confrontation de ces deux mondes, de ces deux âges.
Le Monde perdu a été réalisé par Harry O. Hoyt, auteur d'une petite filmo aujourd'hui oubliée, dont le nom n'apparaît même pas sur l'affiche. Apparaît en revanche celui de Willis O'Brien, génial bricoleur-truqueur qui a conçu les maquettes des dinosaures, brontosaures et autres ptérodactyles, animées ensuite image par image. O'Brien avait déjà tourné en 1915 un court-métrage sur le même thème, The Dinosaur and the Missing Link. Les maquettes d'animaux préhistoriques, c'est son truc. Dans Le Monde perdu, son travail est remarquable et vraiment bluffant pour l'époque. Il a fallu quatorze mois pour obtenir cette qualité plastique et cette fluidité d'animation, auxquelles on peut ajouter des décors très soignés (signés Ralph Hammeras), une mise en scène d'une certaine ampleur, une narration à suspense qui tient bien la route grâce à un bon montage. On oubliera les scènes d'exposition, un peu longues, et les intrigues amoureuses "prétextes" et anecdotiques, pour retenir la dimension divertissante et spectaculaire de l'ensemble, dont le point d'orgue à Londres (qui ne figure pas dans le roman) tisse un lien imaginaire amusant avec la légende du monstre du Loch Ness.
Ce Monde perdu est donc une belle curiosité à découvrir ou à redécouvrir. Le film, longtemps connu dans un format d'une heure environ, est désormais visible dans une version plus longue, probablement plus proche de la version originale, reconstituée à partir d'éléments d'une copie retrouvée, datant de 1925. Il paraît aujourd'hui indissociable du King Kong de 1933, non seulement pour l'histoire, mais aussi pour les effets spéciaux assurés par le même Willis O'Brien qui, entre ces deux films, a perfectionné son art, notamment en matière d'expressivité des monstres.