Domino
Un film de Tony Scott
Tony Scott est capable de créer la surprise. Tout comme il est capable de fabriquer de grosses machines sans queue ni tête. D’un côté, True Romance, Man on Fire ou encore Spy Game, de l’autre Top Gun et Ennemi d’Etat.
Domino serait plutôt à rapprocher de la première série. En appliquant un traitement original à une histoire qui l’était déjà passablement, il était sûr de capter l’attention de son audience. Sans parvenir toutefois à mettre de côté certains de ses défauts. Le film est imaginé autour de l’existence chaotique de Domino Harvey, petite fille riche devenue mannequin, avant d’embrasser la carrière si américaine de chasseur de primes. Avec une trame aussi vaste, on était en droit d’attendre quelque chose de plus innovant, sans pour autant aller jusqu’à s’attendre à un nouveau Fight Club, comme certains ont pu le suggérer. Déjà présent en tant que producteur de True Romance il y a douze ans de cela, Samuel Hadida a renouvelé sa confiance à Tony Scott. Avec pour objectif une narration déstructurée et des effets visuels originaux.
Objectif atteint, est-on tenté d’affirmer. Passé un générique tapageur, un brin agaçant, nous faisons la connaissance de trognes incroyables (celle de Mickey Rourke, dans le rôle du célèbre Ed Mosby, se passe de tout commentaire). L’enfance de la petite fille riche fait dans la caricature, de même que certains dialogues. Il faut reconnaître que le fond s’y prête, et que le réalisateur l’a bien compris. Il s’empresse de s’engouffrer dans la brèche, ses effets de caméra à la limite du fatiguant se mettant au service d’un montage électrique.
Le problème, c’est que ce procédé se voulant expérimental complique inutilement la narration. Il en ressort plutôt une impression de brouillon, au milieu duquel certains personnages s’épanouissent. C’est le cas des rôles qu’interprètent Christopher Walken et Tom Waits et, dans une moindre mesure, de Mena Suvari. Le deux premiers n’ont guère de mal à exploiter leur grain de folie, tandis que la dernière démontre –s’il était encore besoin- qu’elle vaut bien mieux que les comédies pour adolescents auxquelles on a voulu la cantonner. A leurs côtés dans le rôle titre, Keira Knightley virevolte avec énergie, marquée à la fois par la disparition d’un père disparu trop tôt, et par une mère névrotique merveilleusement interprétée par la revenante Jacqueline Bisset.
Lorsqu’en seconde partie le film perd un peu de son côté décousu et racoleur, il en devient plus intéressant. Tony Scott n’a peut-être pas oublié toutes ses petites manies, il n’empêche, sa vision d’une certaine Amérique est hilarante (sans aller jusqu’à être corrosive). Ayant décidé de se moquer des travers de la société américaine, il se livre à une petite critique de la télé-réalité qui trouve sa place tout naturellement. Cette petite bouffée de fraîcheur a malheureusement vite fait de s’effacer, pour laisser la place aux excès visuels auxquels le metteur en scène semble avoir décidé de ne plus résister.
Au final, la part de vérité dans le récit importe peu, pas plus que le fait de savoir qui double qui, et pourquoi. En nous associant au destin tragique et atypique d’une jeune rebelle le réalisateur s’est fendu de quelques petites trouvailles. La bande-son est à l’image du film. Aussi riche que fourre-tout, elle mélange Tom Jones avec Seeds of Love, Jack Darby à FC Kahuna, Nick Welsh à TomWaits. Sans oublier la vraie Domino, qui pousse elle aussi la chansonnette.
Les clins d’œil réguliers au Crime dans la tête dans lequel Laurence Harvey –le papa de Domino- excellait font bien sûr partie des petits plus sympathiques. Voir Frank Sinatra et Laurence Harvey face-à-face nous ramène bien en arrière, à une époque où le style était indéniablement moins clinquant. Une époque que Tony Scott gagnerait certainement à mieux connaître, et qui lui éviterait certains tics visuels.