Jerzy Skolimowski s'il avait été peintre aurait été qualifié de petit maître, pas un grand nom, ni une figure de proue historique, mais, nom de Dieu, un maître quand même. Pourvoyeur de fond et de forme à la face de tous les faux maîtres élevés au pinacle par les journalistes/critiques car il faut bien remplir du papier pour le vendre au kilo, entre deux pubs. Que ce film de 1967 soit porteur d'une rafraîchissante grosse bouffée d'énergie juvénile, encore aujourd'hui, on ne s' en étonnera pas; c'était l'époque. Là où c'est fort c'est qu'il a su la saisir, bien mieux que certains prétendus chef-d' oeuvres de la nouvelle vague. Un immigré polonais ! Un gars qui a su faire la même chose avec le swinging London des 60's, en allant là-bas ! Chapeau coco ! Ce film reste surtout un authentique hommage à Paris, pas foireux comme tant d'autres dont la liste serait trop longue. La fusion permanente entre gravité et légèreté permet de surfer sur la crête de l'intérêt du spectateur, exemple au salon de l'auto avec le vieux retrouvé mort au volant d'une voiture de rêve suivi des draps blancs dont on recouvre les carrosseries, pendant que nos deux protagonistes planifient un de leurs petits délires. Nos jeunes héros ne sont pas niais, au contraire bien mâtures, adaptés à la roublardise et la hargne en capitale métropole, pourtant ils ont leurs coeurs neufs à faire battre, leurs rêves à vivre sans les faire sombrer dans la routine d'une époque qui tourne la page. Il n'en reste pas moins que la fin du film clôt l'envolée artistique de manière abrupte, déroutante pour la majeure partie des spectateurs hormis ceux qui ne veulent retenir que les moments de grâce. Il faut néanmoins saisir au vol cette fin qui part en fumée, c'est le prix à payer pour devenir le complice fidèle de ce "Départ". Leaud avec ses 20 ans en noir et blanc, plutôt que de vouloir tout ou rien, plutôt que de rester prudemment sur ses acquis, devra consumer ce qu'il est, ce qu'il pense être, pour faire un vrai pas en avant. Celui-là ou un autre... Mais tout le récit nous amène à celui-ci, et au sens qu'il prend. A voir: l'oeuvre d'un maître vivant, pas Kubrick mais mieux que Godard, et même Truffaut, ou tous les Benchétrit actuels du monde.