Jean Boyer est l’un des réalisateurs de comédies français les plus prolixes du milieu du siècle. En général ce sont des films sympathiques mais moyens, et c’est le cas ici, avec cette comédie bien innocente, adaptée d’une pièce de théâtre.
Enfin, bien innocente, oui, quoiqu’un peu coquine, comme Jean Boyer aimait bien parfois les tourner. Ici c’est la présence de Lina Rita, laquelle assume, soyons franc, un rôle de prostituée que cette dimension passe surtout. Et puis par les improbables imbroglios amoureux.
L’histoire reste un vaudeville assez basique, parfois un peu lourd (Fernandel imitant le chien), et au déroulé alerte mais peu surprenant. Disons que Boyer entretient un rythme correct, et avec l’abattage des acteurs, il en résulte un métrage regardable sans déplaisir, mais ça manque tout de même de vrai relief. Il y a quelques facilités scénaristiques, et puis les histoires amoureuses sont un soupçon redondante tout de même. Les intrigues et sous-intrigues se marchent un peu dessus, et sans être désagréable, ça n’a pas une variété marquée.
Sur la forme, Boyer ne se démarque pas non plus beaucoup du style théâtral. Un peu d’extérieurs, mais fort peu, et un tournage, une réalisation, qui s’apparente clairement à la pièce de théâtre. Il n’y a donc pas d’ambition ici, et si ça peut à peu près convenir aux propos du film, ça reste décevant malgré tout de ne pas voir un réalisateur de cinéma s’emparer du plein potentiel de son art, et faire une adaptation somme toute paresseuse. Même pour Boyer, qui nous a à quelques reprises habitué à plus d’efforts, même s’il ne faut jamais s’attendre à des miracles avec lui.
Le casting reste le point fort du film, bien aidé en plus par quelques dialogues piquants bien vus. Fernandel hérite donc du rôle d’un improbable séducteur (toutes les femmes le veulent), et il s’amuse beaucoup avec ce personnage. Comme souvent avec lui, un soupçon cabotin, il faut avouer qu’il maitrise son rôle et le prend avec une saveur particulière. Son face à face avec Lina Rita est assez mémorable, autant que cette sombre histoire de grammaire avec Evelyne Dandry. Aux côtés de Fernandel il y a en effet un casting féminin plein de verve et très plaisant, qui apporte du punch à cette comédie, et compense en partie la paresse de Boyer. Cependant Pierre Dux est aussi très convaincant, et forme un contraste intéressant avec Fernandel.
Bon, vous l’aurez compris, Les Vignes du seigneur n’est pas une comédie spécialement marquante. Après, grâce aux acteurs, aux bons dialogues, et à un rythme efficace, ça reste un vaudeville théâtralisant honorable. Mais enfin, c’est sûr qu’on est loin d’être sur un grand moment de cinéma. 2.5