Entre 1962 et 1964, Albert de Salvo, surnommé The Boston Strangler, fut accusé (l'enquête était complexe, il reste encore des zones d'ombre à ce jour, il ne fut, par exemple, jamais jugé et finalement considéré comme un fou schizophrène) de l'assassinat de treize femmes et provoqua la terreur dans la ville de Boston. Richard Fleischer s'intéresse à cet événement et l'adapte, s'inspirant surtout de l'enquête qui tourne autour de ces meurtres sans revenir sur les antécédents d'Albert de Salvo.
C'est donc vraiment sur l'enquête que Fleischer s'attarde, on découvre d'ailleurs le tueur assez tard dans le récit, commençant au début de la série de meurtres et mettant peu à peu en place l'équipe qui va travailler sur le dossier. Il pose sa caméra en spectateur et nous immerge au cœur de l'enquête, on découvre les actes en même temps que la police, tout comme les divers suspects et les réactions de la population. La construction du récit est assez ingénieuse et bien pensée, Fleischer coupe son film en deux parties distinctes, s'attardant d'abord à montrer les conséquences de ses morts avant de s'intéresser directement à Albert De Salvo.
L'écriture est de qualité, très juste et sobre notamment vis-à-vis des personnages, que ce soit l'enquêteur ou De Salvo sur lequel on n'en sait peu mais assez pour en deviner les graves problèmes psychologiques. La reconstitution de l'enquête est aussi minutieuse qu'intéressante, se rapprochant alors d'un reportage et en y incluant des visions subjectives dans la peau du tueur. Mais là où Fleischer se montre tout aussi audacieux, c'est lorsqu'il s'intéresse au tueur et qu'il ne porte pas un jugement accusateur sur lui, essayant plutôt de l'étudier et de l'expliquer, de par ce fait il arrive à provoquer un sentiment d'empathie en montrant l'horreur psychologique de ce personnage. D'ailleurs tous les protagonistes sont intelligemment traités, en plus du tueur, il y a aussi celui de l'enquêteur principal, s'éloignant des clichés dans ce genre de rôle.
Si l'écriture est de grande qualité, elle n'en reste pas moins sublimée par la mise en scène de Fleischer, ce dernier sachant nous immerger au cœur du récit, de créer un sentiment de malaise et de mettre en place une atmosphère très ambiguë. Tout le long passionnant, il rentre peu à peu dans l'esprit du tueur et d'un cerveau malade, en proie à un dédoublement de personnalité. Sa réalisation est aussi fantastique, que ce soit dans sa manière de filmer les meurtres (surtout dans la première partie) ou d'user des flash-back, notamment pour rentrer dans la tête de De Salvo. Devant la caméra, Henry Fonda est comme à son habitude, c'est-à-dire d'une grande justesse et sachant se fondre dans son rôle, tandis que Tony Curtis est remarquable, retranscrivant toute la complexité et l'ambiguïté de son personnage.
Un film dérangeant, notamment dans sa façon d'étudier un tueur en série et de nous immerger au cœur de l'enquête. Fleischer signe une mise en scène remarquable, sublimant une écriture de qualité et bénéficiant d'excellents interprètes, une oeuvre tout simplement marquante.