D'abord déposé par un collectionneur en 1970 sous un titre érroné, il aura fallu attendre le début des années 2000 pour redécouvrir et restaurer Bucking Broadway, le dixième film de John Ford sorti en 1917.
1917... c'était le temps où John Ford s'appelait encore Jack Ford, qu'il était encore acteur pour d'autres réalisateurs, notamment son frère, et il avait encore ses deux yeux. Il avait tout juste 22 ans et c'est cette année-là qu'il commença à tourner (très activement !) de nombreux films. D'une durée assez courte (un petit peu plus de 50 minutes), Bucking Broadway met en scène un amour entre un cow-boy et une fille d'un propriétaire, qui va être perturbée par un marchand de chevaux de passage que la fille va vouloir suivre.
On y retrouve déjà plusieurs qualités du futur metteur en scène de Stagecoach, que ce soit son sens du rythme, sa manière de construire un récit ou encore de toujours trouver les bons cadres pour mieux capter les enjeux et émotions des personnages. Il mélange ici plusieurs genres en trouvant régulièrement le bon équilibre, alternant entre western, romance et même un peu de comédie. Ford met rapidement en place le contexte de l'histoire, tandis que les péripéties s'enchaïnent assez vite sans avoir besoin de beaucoup d'intertitres, il filme toujours ce qu'il faut, sans en faire trop, tout en rendant les personnages et enjeux intéressants.
Bien évidemment, Bucking Broadway n'atteint pas le génie de nombreux films que fera Ford dans les longues et fastes décennies qui suivront, mais il s'avère tout de même vraiment sympathique et intéressant à plus d'un titre. Certaines scènes sont vraiment mémorables, à l'image de la course-poursuite finale mais aussi certains plans larges des grands espaces américains comme il savait si bien les sublimer ainsi que quelques moments de lyrisme. Il est aussi intéressant de voir ce western se déroulant à l'époque contemporaine, donc au moment du tournage, lorsque les progrès industriels changeaient nettement les modes de vie (on peut d'ailleurs y voir des chevaux croiser des automobiles), Ford évoquant déjà la fin d'une époque... Harry Carey, aussi producteur et l'une des premières stars hollywoodiennes, est lui impeccable, tout comme l'ensemble du casting (notamment la belle Molly Malone) qui évite de rentrer dans un surjeu parfois présent en ces temps-là.
Ford n'était pas encore John mais Jack et c'était la première année où il oeuvrait seul derrière la caméra pour un résultat plaisant où il montre déjà tout son savoir-faire, tant dans la mise en scène que la direction d'acteurs.