S’étant fait connaître dans une série de ce genre (Rawhide) et demeurant à jamais grâce à la Trilogie du dollar de Sergio Leone (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus et le fameux Le Bon, la Brute et le Truand) comme la figure emblématique de ce cinéma hollywoodien, il est normal que Clint Eastwood, pour ses essais de réalisation, s’est beaucoup plongé dans le western. Une ambition qui lui vaudra enfin la reconnaissance en 1992 via Impitoyable. Une renommée tardive qui n’exclut pas la qualité de certaines de ses anciennes réalisations, comme ce Pale Rider – Le Cavalier Solitaire, l’un des films les plus connus de la carrière de cinéaste de ce cher inspecteur Harry.
Dès le début, on sent bien que le bonhomme est un habitué du genre, au point d’en reprendre tous les clichés qui existent depuis les premiers films sur le sujet. À savoir un groupe de personnes innocentes, maltraitées par une bande de méchants personnages, qui vont enfin trouver une lueur d’espoir en la personne d’un héros solitaire de passage qui va les seconder dans leur lutte, sur le papier, perdue d’avance. Sans oublier les fameux duels de revolvers, ces plans mettant en valeur les paysages de l’Ouest sauvage (grandes plaines, collines…), ce silence de mort qui règne lors des combats à morts, cette bande son à l’harmonica qui accompagnent le bruit des éperons… Tout y passe ! Et pourtant, Clint va contourner le côté « déjà-vu » du western par le biais du statut sociétal de son personnage (même si Pale Rider est le remake de L’Homme des Vallées Perdues, le cinéaste / acteur s’est permis certaines libertés) : un héros solitaire donc qui est en réalité un homme d’Église, au passé bien mystérieux.
De ce postulat, Pale Rider prend une toute autre direction que celle de l’hommage au genre. Mais plutôt ce lui de la vénération du mythe que suscite ce genre cinématographique. Ce fameux Cavalier Solitaire prenant du coup une apparence ni plus ni moins religieuse. La venue du héros juste après une prière et sa disparition après l’accomplissement des faits confirment ce constat. Et avec Clint Eastwood comme interprète, le côté christique n’en est que plus renforcé. En effet, il suffisait d’un comédien adepte du western pour déclarer au monde entier à quel point il ne serait rien sans ce genre de film et à qui lui rend hommage en le vénérant de la sorte. Un rapprochement biblique qui ne s’arrête pas là, mais qui continue également par des détails visuels calculés d’avance (le cheval pâle qui rappelle Quatre Cavaliers de l’Apocalypse).
Et puis, Clint, au lieu de se poser tranquillement et de préparer la fusillade finale en cousant petit à petit sa trame, préfère aussi de s’intéresser à certains personnages secondaires. Dont le leader des chercheurs d’or (les gentils, évidemment), jugés comme un rêveur qui ne peut se défendre, et qui va pourtant trouver la foi en lui, ce qui lui permettra de réussir en amour, dans ses relations avec ses compagnons et dévoiler un grand courage. D’une fillette de 16 ans mature au possible qui veut à tout prix avoir pour époux notre héros solitaire. Quant à ce dernier, tout reste mystérieux en ce qui le concerne. Son passé (même les rares révélations à son sujet n’en disent pas long). Son identité (pas de nom ou d’origine, juste l’appellation du Pasteur se fait entendre pendant tout le film). Rien qui pourrait ôter le côté religieux de ce personnage que tout le monde voit tel le Messie.
Après, il est étonnant de voir que le reste du film ne soit pas si travaillé que ça. Le scénario sort de l’ordinaire et pourtant, on a vraiment l’impression de voir un western classique. Qui propose des méchants payés par d’autres pour accomplir la sale besogne, une fusillade finale attendue malgré son incontestable efficacité, des séquences prévisibles et quelques longueurs un peu lourdes. Mais fort heureusement, cela n’enlève en rien le plaisir que l’on a à regarder ce western qui propose aussi bien des moments de réflexions que d’actions (une séquence d’ouverture violente, un corps-à-corps sympa, une attaque explosive et le final). Sans pour autant oublier une petite touche humoristique comme sait si bien les faire Clint Eastwood en ce qui concerne ses personnages. Un comique qui se résume en une scène par la présence de Richard Kiel (le Requin de la saga James Bond), gros bras qui va pourtant en baver.
Ajoutez à cela une bonne interprétation et vous obtenez un western de très bonnes factures. Qui prouve que son réalisateur / acteur sait faire un film, voire le hisser à un niveau jamais pensé (celui de la vénération du genre). Mais quand même, il aurait été souhaitable que dans sa recherche à innover le genre, Clint aille encore plus loin que dans son remaniement du mythique héros solitaire loin de chez lui.