Il est très facile de critiquer Steven Seagal, surtout en 2002. L’aïkidoka autre fois fin comme un félin est devenu gros comme un cachalot. Au lieu de faire des films plus posés, il continue à faire des films d’action, ultra-coupés pour laisser les cascades aux doubleurs, de manière grotesquement visible. Ce qui marche pour beaucoup d’acteurs n’est malheureusement pas pardonné à un vrai spécialiste des arts martiaux, autrefois bondissant. Il reste néanmoins une petite poignée de fans prêts à le défendre bec et ongles.
Cependant, venant de l’homme derrière d’excellents films comme Désigné Pour Mourir ou les jouissifs Under Siege ou Nico, Mission : Alcatraz est dur à défendre, tant il est inférieur à ce que le cachalot aïkidoka nous a offert ces dix derniers années. Soyons clair tout de suite, le PG-13 (donc très gentillet) Mission : Alcatraz n’est pas un bon film, c’est un nanar boursouflé de petits tics de mise en scène plus ennuyeux qu’autre chose, un objet débile, mal écrit, pas très bien joué non plus, prévisible et racoleur. Et comme tous les films dans ce genre, c’est un plaisir coupable. Oui, regarder Mission : Alcatraz procure un bon moment, tant le film est idiot, bourré d’action incohérente et de dialogues plats et hilarants. Tout est réuni pour offrir au spectateur un nanar de compétition, avec en tête d’affiche un Steven Seagal qui joue un Russe du FBI (oui, oui) essayant d’apprendre à parler lascar avec un Ja Rule pas forcément mauvais. Le potentiel comique du film est décuplé lors des scènes où Morris Chestnut joue le méchant sanguinaire.
Mais on passe à côté de l’élément le plus drôle du film, l’imbattable, l’impayable Tony Plana. Au milieu d’un casting qui alterne entre rappeurs en quête de gloire cinématographique (il faut voir Kurupt faire de gros yeux tout le film) et des créateurs de séries TV à succès (Stephen J. Cannell créa L’Agence Tout Risques, par exemple), l’acteur cubain Tony Plana nous gratifie d’un personnage que seul un Seagal aurait pu contenir : un gardien de prison ancien Vato mexicain, ultra-badass, qui parle avec un accent complètement abusé (que Plana n’a pas dans Ugly Betty), qui finit toutes ses phrases par Cabron, Ese ou Maricon, qui lance de gros one-liners à la face des juges du film et qui en impose par sa décontraction sans doute assumée. Un bonheur de prestation, à ajouter à certains moments dans la prison, quand Steven Seagal n’est pas là (avec son doorag ridicule sur la tête) et que les prisonniers interagissent, entre eux, des moments pas trop mal réussis.
Sans Tony Plana, Mission : Alcatraz serait sans doute un film pénible, mais son interprétation et la débilité (assumée ? Je ne pense pas) du reste rendent le film sympathique à voir (et revoir une fois tous les 3 ans en deuxième partie de soirée sur une chaine du service public.