Après le succès international, la belle recette au box-office et la brochette de distinctions récoltées par Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, JPJ remet ça de plus belle avec ce qu'on peut appeler un blockbuster à la française: distribution de Warner Bros, budget confortable de 56,6 millions de $, décors pyramidaux, grande histoire de passion sur fond de guerre mondiale, casting quatre étoiles rassemblant les stars bankables du moment... Jeunet ne fait pas vraiment dans la parcimonie.
En fait, les lois du fric, l'impératif de faire du chiffre, les exigences historiques et la forme rigide du blockbuster semblent handicaper ici Jeunet, qui ainsi livre plusieurs passages convenus, filmant la reconstitution impeccable du Paris de l'époque de façon presque gratuite, multipliant les scènes de tranchée, alors que le point d'orgue est Mathilde, et ce deuil qu'elle s'obstine à ne pas vouloir faire.
De plus, comme on peut également le ressentir avec Bancs Publics de Bruno Podalydès, le défilé de stars célèbres qui débitent deux lignes de dialogue et ont droit à deux ou trois plans (jugez plutôt: Clovis Cornillac, Albert Dupontel, Jean-Pierre Darroussin, Marion Cotillard, André Dussollier, Ticky Holgado, Jodie Foster, Julie Depardieu, Michel Vuillermoz, Bouli Lanners, Jean-Paul Rouve, Tchéky Karyo, Jean-Claude Dreyfus - c'est du lourd, c'est du lourd!) a un effet plutôt assommant.
Mais malgré tout cela; malgré une histoire trop tire-larmes pour être vraiment émouvante, plusieurs passages convenus et obligés, des décors et un casting trop ostentatoires, le style de Jeunet arrive cependant à poindre parfois. Et, bien que Un long dimanche de fiancailles compte une bonne ribambelle de défauts, ça ça tient du miracle que le réalisateur de Delicatessen et du court-métrage Foutaises! a pu s'atteler à une forme aussi anonyme que le blockbuster bourré de dollars, sans pour autant renoncer totalement à son style de cinéaste! Car ici, en bien des endroits, sa touche irrésistible et reconnaissable entre toutes se fait bien sentir: ce mélange de truculence naïve, d'émerveillement loufoque et de poésie démodée. On remarquera ainsi des personnages haut en couleur (rien que les noms: Six-Sous, Célestin Poux, Bastoche...), des tronches mythiques (Pinon si tu m'entends...), un sens pittoresque du dialogue ("Avec des si on mettrait un cachalot dans une boîte d'allumettes" dit Sylvain alias Dominique Pinon) et enfin une grande richesse visuelle, qui tient autant de l'univers de la B.D., des jeux vidéos que des illustrations des contes de fées, ou des films de Leone - comme souvent chez Jeunet.