1980. Michael Cimino, auréolé du triomphe cinq fois oscarisé de The Deer Hunter, se voit mandaté par le studio United Artists, qui, tout confiance en cette étoile montante lui offre un budget de 40 millions de dollars (somme considérable pour l'époque) ainsi qu'une grande liberté artistique pour dessiner La porte du paradis. Problème, Cimino abuse sans doute de cette liberté, présentant d'abord ce Heaven's gate dans une version de 5 h 25, qui sera finalement charcutée jusqu'à voir sa durée diminuer de près de trois heures. Le résultat est un bide à la fois commercial et critique, un camouflet sans doute dû à un message incompris et des longueurs paralysantes. On retrouvait pourtant la patte de Cimino à travers une violence sans concession, une veine naturaliste certaine et un vrai jusqu'au-boutisme scénaristique. Problème, cela mis à part, on ne retrouve pas grand chose de Voyage au bout de l'enfer et de son souffle émotionnel, et c'est à cet égard que je donne davantage raison aux sceptiques qu'à la foule de cinéphiles qui crient aujourd'hui au chef-d'oeuvre. Sans âme, à l'image de sa BO placide, Heaven's Gate s'étire mollement et, semble t-il, indéfiniment. La durée par d'aucuns jugée excessive, n'est pas en elle-même le problème, d'ailleurs due en partie à des plans prolongés, marqueurs d'une volonté d'imprégner le spectateur de la situation. Cependant, elle renforce l'impression d'apathie émotionnelle qui se dégage de l'ensemble, Cimino s'avérant incapable d'exploiter la force de son scénario, probablement à cause de la langueur qu'il veut à travers sa mise en scène conférer à cette époque, pour en briser les mythes. Car non nous dit Cimino, les USA ne se sont pas construits sur la base d'hommes dynamiques et de leur esprit d'entreprise, mais plutôt sur celle de massacres, de vols et de rapines. Le message, en tout cas, est très intéressant, à l'opposé des fondements même du genre, ce qui vaudra au film d'être avec à propos qualifié d'anti-western. Le problème, c'est qu'en même temps d'enterrer le western, Heaven's Gate a également enterré son auteur. Brisé par la critique, Michael Cimino ne refera surface qu'à grand peine, ne brillant plus depuis que par l'Année du Dragon, policier de 1985 faisant au demeurant davantage figure de braise que de nouvelle flamme. Immunisé semble t-il, contre les nuages qui assombrissaient le ciel de Michael Cimino, Christopher Walken restait quant à lui au contraire au firmament, brillant par sa belle gueule et son talent incontestable. Le reste du casting s'en tire également plutôt bien. Mais dur d'émouvoir ou de révolter quand on n'y met pas assez de conviction. Voilà pourquoi, à mon avis, et encore légèrement sous le coup de la déception, ce qui aurait pu être un grand film de l'est pas. Le paradis n'est pas loin, mais à mon grand désarroi, j'en suis resté sur le seuil.