Whaou ! En voilà un immense chef-d’œuvre ! Tout commence à Harvard, dans une longue séquence qui a peu de rapport avec la suite du film, et qui pourtant pèsera sur tout le reste. On rencontre les personnages pour la première fois, s'amusant pour la dernière fois. Rien qu'avec cette superbe ouverture, Michael Cimino prouve qu'il est un maître de la mise en scène, et sait mieux que quiconque filmer des scènes de groupe, comme celle du mariage de "Voyage au bout de l'enfer". Après cette introduction, les protagonistes sont désormais adultes, et leur insouciance est derrière eux ; le monde est cruel et mesquin, mais les instants de grâce et de poésie sont toujours présents, même au sein d'une maison close. La reconstitution est très belle, avec une image un peu désuète augmentant le caractère nostalgique d'un monde qui touche à sa fin. Cimino sait étirer les plus belles scènes, s'attarder sur les moments de joie mais aussi de désespoir, suivre les personnages dans leurs habitudes quotidiennes, leurs disputes et leurs danses. En cela, le réalisateur est bien un cinéaste naturaliste, et même un cinéaste social tant les vérités qu'ils expose sur la lutte des classes sonnent justes. Il est ainsi rare de ressentir un sentiment de révolte aussi profond que celui qui peut animer le spectateur devant "La Porte du Paradis".
La musique, heureusement, adoucit les mœurs : elle est au diapason du naturalisme, triste et charmante, à tel point qu'on sent que les personnages la vivent vraiment. Quant aux acteurs, Kris Kristofferson, Isabelle Huppert et Christopher Walken, ils sont vrais et magnifiques, et sont secondés par d'autres rôles admirables, ceux de Brad Dourif, John Hurt et Sam Waterston en tête. Celui-ci incarne d'ailleurs l'un des antagonistes les plus détestables vus au cinéma, représentant le capitalisme sauvage dans toute sa cruauté. Sans doute était-ce trop pour les Américains qui ont préféré censurer le film...