Pour son treizième film, Dreyer nous emmène dans un village Danois dans les années 1930 suivre le destin d’une famille de fermiers exploitant leurs terres entre religion, mariage, naissance ou vie de famille.
La cinéaste allemand nous emmène dans l’intimité de cette famille et prend bien le temps de montrer leur quotidien et nous présenter les personnages, le vieux Morten, le « chef de famille », un veuf luthérien très croyant, père de trois enfants, l’un devenu athée et qui lui a donné deux filles, bientôt trois, un ancien étudiant qui, selon sa famille, est devenu fou et s’identifie à Jésus et le dernier, amoureux de la fille d’une instance religieuse rivale. Les personnages sont très bien écrits, parfois ambigu et souvent intéressant.
Presque un huis-clos, l’intérieur est souvent froid et sombre et pourtant Dreyer fait ressortir toute l’émotion de son récit et des épreuves que doivent subir et surmonter cette famille, allant des différents avec l’autre famille religieuse, la naissance très compliquée du nouvel enfant ou la gestion du fils qui se prend pour le prophète. Dreyer est souvent juste et aucunement lourd malgré les thèmes abordés.
Dreyer aborde la religion, ce qu’elle peut engendrer dans une vie de famille et dans un village, mais aussi la croyance et la foi, son abandon, sa confiance, ses fondations ou ses excès. C’est aussi la foi à plusieurs niveaux qu’il étudie, de la foi religieuse « simple » (La foi, c’est croire !) à celle dans la science symbolisé par ce docteur qui n’est jamais remis à question, jusqu’à ce que ça coute l’irréparable. Avec le fils « fou », il pose aussi la question du « messie » et de la façon dont il pourrait être perçu à l’ère moderne. Et en abordant ses sujets, il invite le spectateur à la réflexion et ce, qu’il soit athée ou non. Mais Dreyer aborde aussi la vie, l’éducation, l’intolérance religieuse ou encore l’espoir et ce de fort belle manière, laissant le spectateur se faire soit même une idée. La fin
Les interprétations sont excellentes, que ce soit Henrik Malberg dans le rôle du chef de famille ou les autres. La mise en scène épurée de Dreyer est parfaite, ce dernier maitrise tous les éléments (lumière, réalisation (avec notamment de superbes plans-séquences), justesse de l’écriture, cadrage, musique…).
D’une incroyable justesse jusqu’à cette magnifique fin, « Ordet » s’avère une grande réussite sur laquelle le temps n’a guère d’emprise et notamment sur ses propos.