Vera sort de l’adolescence au moment où l’URSS est moribonde ; une histoire de plus sur les désillusions russes. Mais chacun de ces films est un renouveau : blessés par la perestroïka, les personnages hurlent qu’ils ne sont pas entendus et n’y gagnent rien. C’est une expression de la souffrance qui ne fait que la prolonger, et c’est ce qui rend La Petite Vera effrayant. Et qui en fait un visionnage insupportable.
La douleur répugne, mais il y a aussi les cris, les révoltes qui grondent sans savoir sortir du conflit intérieur, un sentiment d’impuissance vraiment cauchemardesque. Vera, c’est le mot pour la foi en russe, vous râbacheront les exégètes de Pitchoul, parce que c’est le symbole frappant d’une URSS qui cache l’étiquette de la bouteille de Coca Cola. Ils nous pompent l’air, les exégètes.
La foi est une belle image mais pas une notion si forte qu’elle mériterait qu’on déifie Natalia Negoda. À trouver l’idée comme l’interprétation géniales, on oublie qu’elles sont vraiment bien, car on les met au rang de la simple curiosité, comme le fait que le film soit connu pour figurer la première scène explicite du cinéma soviétique.
Il ne faut pas confondre le culte pour ce qui rend un film culte. Les vrais symboles sont ceux, magnifiques, que les adolescents s’inventent les uns pour les autres et qui se font la sève pulsante dans un arbre déjà mort. Les vrais symboles sont les visages des acteurs qui se fondent dans les expressions de leurs personnages comme s’ils constituaient tout leur signifiant.
Il fait chaud en Ukraine et l’on s’étonne aujourd’hui de voir la pastèque au cœur des repas d’été. Mais ce n’est rien à côté des bateaux qui entourent le port comme des semi-épaves, des carcasses grinçantes mettant l’échappatoire derrière le mur invisible d’une apocalypse n’existant qu’en esprit. Pas besoin d’alcool ni de drogue pour saisir la déchéance à pleines mains.
L’humeur est épaisse, noire, elle nous prend à la gorge. C’est innofensif mais intenable. C’est Alphaville couplé au malheur adolescent de tout un peuple à l’unisson. Ce n’est pas toujours que le conflit générationnel a sa place chez les Soviétiques. Ici, c’est la couche supplémentaire : Vera veut vivre telle qu’elle l’entend, mais chez ses parents tout de même. Une contradiction qui va de paire avec la tolérance bardée de fermeture d’esprit du père qui a trimé et ne sait même plus voir le futur des autres.
Le film n’est pas dur à proprement parler, mais bâillogène et déprimant. Difficile, même quand on l’approuve, d’écrire avec ferveur sur sa beauté.
septiemeartetdemi.com