Premier long-métrage pour Maurice Pialat, qui signe aussi probablement ici un de ses meilleurs films. C’est l’un des rares pour le coup que je n’avais jamais vu, et je le conseillerai donc, car il est vrai que c’est loin d’être son plus célèbre.
Sans atteindre la perfection formelle et mystique de Sous le soleil de Satan, L’Enfance nue dans un registre plus intimiste est nettement meilleur que l’encensé A nos amours. Pour le coup Pialat parvient vraiment à saisir l’authenticité, le réalisme, et c’est un de ses rares films où j’ai réellement eu cette impression, avec des acteurs au top. Honnêtement le recours aux amateurs dans le cinéma de Pialat c’est en général un ratage, car à vouloir faire naturel on sent clairement que ça sonne faux, mais là non. Le couple âgé est remarquable d’authenticité, le jeune garçon qui joue François est très doué, il trouve le ton juste, le juste milieu, ne verse jamais dans l’excès gratuit, et il y a quelques seconds rôles (notamment la mémé) mémorables. Franchement on sent que c’est réaliste, franc, authentique, et à ce niveau c’est clairement la plus belle réussite de Pialat.
L’histoire est certes un poil haché, typique de Pialat, mais finalement on s’en moque un peu. Finalement le propos du film n’en souffre pas vraiment, et surtout Pialat arrive à faire ressortir les qualités de son cinéma sur les défauts. Plein de superbes scènes, on sent toujours poindre le réalisme et surtout en récupérant tant le beau et le moins beau, le rire et la tristesse, le réalisateur donne à voir le vrai qui n’est jamais tout gris ou tout noir (et c’est là un souci dans plusieurs de ses films). C’est authentique, frais, parfois poétique, et c’est en plus très ancré dans son époque ce qui dote le film d’une agréable tonalité mélancolique. C’est un film d’enfance, et je pense que tout le monde, sans avoir eu le parcours du héros reconnaitra un peu des moments de sa jeunesse.
Sur la forme c’est très bien. Pialat propose toujours une mise en scène très posée, mais autant certaine fois ça confère un hermétisme terrible à son cinéma, ici il choisit les bons cadrages, et, pour reprendre une remarque d’un autre critique, la bonne distance. C’est vrai que c’est une sensation très perceptible. Par ailleurs Pialat ne surjoue pas l’ambiance grise et morose, et le film prend tout à coup plus d’authenticité, on n’a pas cette impression parfois très désagréable d’un cinéma vrai artificiel ! Pas de bande son comme souvent chez le réalisateur.
Pour ma part L’Enfance nue à sut me séduire, et pour être très franc je crois que jamais plus par la suite Pialat n’a su saisir le vrai avec autant de finesse, et surtout ce petit grain de magie et de poésie. Pialat traite d’un sujet grave, mais sans jamais céder à l’excès, et surtout au réalisme en carton-pâte si pénible dans A nos amours ou même La Gueule ouverte à l’occasion de plusieurs scènes. 4