J'ai été le premier surpris en apprenant que non, Zach Braff n'était pas qu'une tête de con à jouer dans une série pourrie (désolé pour les fans). Et j'ai davantage été surpris quand j'ai pris connaissance de sa moyenne SC (6,9) ; une moyenne solide pour un coup d'essai d'un homme disposant visiblement de plus d'un tour dans son sac. C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que je me suis précipité sur ce duo formé avec Natalie Portman, en ayant l'impression d'avoir (peut-être) déniché une nouvelle perle rare.
Disons-le tout de suite, de rareté la perle n'a pas. Ce n'est d'ailleurs pas une perle mais davantage un boulon grisâtre, qu'on laisse retomber aussitôt. Garden State c'est une histoire sur des personnages paumés d'une Amérique profonde, où le rire côtoie les pleurs de manière trop étroite. Les problèmes psychologiques sont omniprésents et déteignent sur la forme esthétique du film, qui résonne comme un ensemble de clips vidéos. Cette fraîcheur dans la réalisation et ce désir de bien faire pourrait être appréciable s'il n'y avait pas autant de défauts.
D'abord dans l'aspect purement esthétique du film : comme je l'ai dit, la réalisation rappelle de mauvais clips aperçus sur M6, cherchant à se distinguer sans en avoir le talent. On abuse de ralentis, d'accélérés, d'effets destinés à renforcer la solitude, les relations sociales détachées, mais ces coups de patte deviennent si répétitifs qu'ils apparaissent comme des tics nerveux ; laissant plus une impression de malaise que de maîtrise. À vouloir trop en faire tout le temps on donne finalement une sensation de manque de créativité et de panne artistique, ce qui est assez contradictoire par rapport à l'effet recherché.
Cet abus de la part du réalisateur se retrouve aussi dans l'écriture du scénario : normal, c'est le même homme à la baguette. Zach Braff pond ce qui est une histoire intéressante, où les personnages se croisent et se cherchent, entre passé, présent et futur, avec une sincérité qui est touchante par moment. Mais nous avons surtout droit à une exagération de l'aspect émotionnel qui finit d'achever l'empathie réelle que nous pouvons ressentir par moment. Quand Zach Braff essaie de faire rire, ça marche, en témoignent la rencontre entre les deux personnages ou d'autres évènements ponctuels frais et créatifs (comme la surprise Jim Parsons). Mais au-delà de ça, dès qu'il s'agit de rentrer dans le sérieux de l'histoire (qui prend le dessus sur le côté comédie, malheureusement) nous n'y sommes plus du tout.
On nous parle d'une mère, d'un père, d'une mort, d'une maladie, d'une enfance gâchée et de tous ces sujets déprimants avec des couches trop prononcées ; si prononcées qu'elles en deviennent indigestes. Et on essaie de les faire passer avec la romance légère et délicate de deux jeunes gens perdus et maladroits. C'est sympathique, ça fonctionne même à un certain niveau, mais plus on s'étale sur cette histoire et plus on en constate la vacuité et la simplicité. Le film ne trouve pas de rythme, d'évolution, les personnages semblent changés mais on ne sait pas trop comment ils en sont arrivé là (enfin, si, on le sait, mais on ne le comprend pas vraiment). Cette métaphore de clips vidéos est d'autant plus vraie qu'on a l'impression de passer de séquence en séquence, sans réelle uniformité, juste pour nous glisser quelques idées par ci par là ; qui sont inégales et qui ne laissent en fin de compte qu'une impression plus que mitigée.
Le film peut valoir le coup, pour son humour qui fait mouche à plusieurs reprises et qui évite de passer un trop mauvais moment. Mais le surplus de sérieux et d'émotions superficielles vient plomber ces bons moments pour nous rappeler toute la maladresse ambiante, reflétée par une réalisation franchement hésitante. Alors, oui, Zach Braff est «sympathique», mais son dernier renversement de situation aussi cliché qu'inutile finit de lui enlever toute cette sympathie pour nous donner l'impression que ce Garden State n'est destiné qu'à faire verser une larme aux midinettes adolescentes. Comme les clips d'M6, en fait.