Un film peu commun, voir même atypique qui se déroule en 1918. Dramatique et tragique, il se montre aussi très lent (le film dure environ 3h00), très imagé, rempli de non dits, onirique. Un film étrange, qui dérange.
La musique est angoissante, lancinante, mystique, se distille dans tout notre être jusqu’à ce que les spectateurs puisse se demander si il y a finalement bien un écran qui les sépare de la scène.Il faut dire que tout est fait pour entraîner le spectateur même le plus réticent. Les images, tout d'abord, sont splendides. Obscures, angoissantes, ou belles tout simplement, étudiées jusque dans le moindre détail. Un univers farmerien, sans aucun doute, avec le cimetière de Regrets, les plaines neigeuses de Tristana, qui s'étendent à l'infinie, la mort, la maladie, la folie. Difficile de ne pas reconnaître la griffe de Laurent Boutonnat
Les paysages enneigés sont magnifiques, le ciel brumeux confère une aura mystique, lourde aux personnages, majoritairement des femmes (les hommes étant mobilisés pour la guerre). La maison où vivait les enfants, fait penser à une maison hantée, vide de tout être vivant, la propriétaire s’y pend dès le début.
Habité seulement par une bonne étrange (Frances Barber), mélange de sensualité et de obscurité, et Catherine (Mylène Farmer). Malgré son absence, tout le film se rapporte à elle. Est-elle folle, autiste ? Surement. Son teint blafard, sa voix enfantine, avec pourtant des gestes qui oscille entre celui de l’enfant et de l’adulte. On ne sait pas comment l’appréhender. D’ailleurs l’auteur a dit « on ne peut pas embrasser Catherine sans embrasser la folie ».
Giogio Voli (Jeff Dahlgren), personnage récurrent du film, a un visage émouvant, céleste, blessé. On ne peut que s’y attacher, face à son affection et sa gentillesse envers les enfants. Il va chercher la vérité à tout prix, avec un courage et une motivation sans faille. C’est à travers ce personnage qu’on découvre ce film, que je conseille à tous.
Parallèlement, un reproche toujours d'actualité ressort de Giorgino. Reproche fait à la société qui, depuis qu'elle existe, tend à détruire systématiquement tout ce qu'elle ne comprend pas, par peur autant que par lâcheté. Et cette incompréhension entraîne inévitablement une violence et un rejet plutôt qu'une aide, qu'une main tendue vers l'autre, aussi différent soit-il. Et qui est la cause même, dans le film, de la mort d'une grande partie de cette société sclérosée. En effet, ce n'est rien d'autre que le rejet cruel des villageoises qui pousse Catherine dans ses derniers retranchements, la mettant hors d'elle et l'incitant à courir dans l'église pour souffler les cierges, dressés là comme symbole de chaque homme parti au combat. Il ne restera qu'une seule flamme. Et un seul homme rentrera des tranchées. Un seul...
L'image se fige, et même si c'est de façon presque inattendue, on sait que c'est fini, que le film s'arrête là. Avant même de faire un quelconque commentaire, la première chose qui retentit dans la pièce sombre est un soupir. Long, et lourd de soulagement. Le coeur reprend un rythme normal, la respiration se débloque, et tout le corps se détend à travers ce seul soupir.
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