Une réalisation soignée qui pousse l‘esthétique du sinistre à son paroxysme et plonge avec magnificence dans l‘univers de la folie… Si '' Giorgino '' est assurément un film dur, psychotique, parfois long, il mérite d‘être visionné, bien plus au regard du tableau fabuleux qu‘il nous offre que pour l‘histoire en elle-même. Tout, en effet, est une question d‘images et de paysages. Laurent Boutonnat tente par tous les moyens de nous introduire dans son univers fantasmagorique, de nous y habituer, de nous y faire sombrer…. Si le contexte historique est bien réel (la fin de la Première guerre mondiale), le film s‘écarte souvent de tout réalisme pour privilégier une atmosphère de terreur irréaliste, souvent excessive, digne des meilleurs mélodrames gothiques… sans néanmoins être très bavard puisque le silence est l‘une des principales composantes de '' Giorgino ''. Tout passe par la contemplation, l‘attitude muette des personnages face à une situation qui les dépasse… tout transparait par le mystère qui recouvre l‘intrigue originale… Or, c‘est bien la peur née de ce mystère, plus que le mystère lui-même, qui engendre une ambiance terrifiante, caractéristique majeure du film. Naturellement, cela nous amène à évoquer les acteurs. Si Mylène Farmer, l‘affriolante tête d‘affiche, ne s‘en sort pas trop mal, il serait injuste de ne pas saluer la performance de Jeff Dahlgren, guitariste de profession, et celle de Jean-Pierre Aumont, habitué des plateaux de cinéma. Il est finalement surprenant de voir comment Laurent Boutonnat, pouvant compter sur ses seules lubies scénaristiques et une brochette d‘acteurs amateurs (du moins, en majorité), est parvenu à tourner un petit bijou, travaillé, ciselé de fond en comble. Il n‘est guère difficile, en revanche, de comprendre comment le film fut éclipsé, écrasé derrière les succès monumentaux de l‘année 1994 que furent '' La liste de Schindler '', '' Philadelphia '' ou '' Forrest Gump ''… Gageons que '' Giorgino '' sera malgré tout réhabilité tôt ou tard et que le public, enfin, tachera de l‘apprécier à sa juste valeur. Il le mérite bien.