Suite directe du sous-estimé "Fils de Frankenstein", "Le Spectre de Frankenstein" (ou "Le Fantôme de Frankenstein" selon les traductions) marque le premier vrai coup d’arrêt de la saga… qui coïncide, d’ailleurs, avec le départ de Boris Karloff, qui tire sa révérence et n’incarnera plus la Créature sur grand écran. Son remplacement par Lon Chaney Jr (autre habitué du genre qui avait marqué les esprits en campant un formidable "Loup-Garou") est, d’ailleurs, l’une des bonnes surprises de ce quatrième opus puisque l’acteur a su apporter une touche un peu différente (plus balourd et moins expressif… ce qui s’explique, d’ailleurs, par un soin plus approximatif apporté aux maquillages) sans pour autant renier l’essence du personnage (on retrouve son attachement pour les enfants et surtout sa tenue d’origine). Malheureusement, les producteurs ont décidé de transformer une saga pleine de poésie gothique en produit de consommation vaguement horrifique usant des mêmes recettes usées… en oubliant, au passage, de défendre un vrai point de vue (le film n’a pas grand-chose à dire de nouveau ici) et de soigner la mise en scène. Ainsi, le budget alloué au "Spectre de Frankenstein" parait avoir été divisé par deux par rapport à ses prédécesseurs, ce qui ce ressent, non seulement, au niveau des maquillages et des décors mais, également, dans la qualité de la réalisation et la prestation des acteurs. C’est à croire que le film a été réalisé en quelques jours, sans permettre la moindre seconde prise et sans prendre le temps de trouver les angles de vue les plus expressionnistes. A ce titre, le flash-back montrant les scènes fortes du premier film s’avère terriblement cruel, tant la comparaison entre les images se fait en défaveur du dernier opus. La mise en scène du méconnu Erle C. Kenton manque, donc, de créativité et d’élégance. Quelques détails s’avèrent, à ce titre, révélateurs, tels que la vitesse bien trop rapide à laquelle se déplace la Créature ou la façon bien trop inoffensive dont est filmé Ygor. On retrouve, pourtant, quelques jolies séquences qui parviennent à donne un intérêt certain au film, à commencer par les interventions de la fillette, qui rappellent que le Monstre est, avant tout, une victime mais qui donnent, également, l’un des grands moments de la saga
(la créature qui fait comprendre qu’elle veut le cerveau de la fillette)
. Quant à l’intrigue, les scénaristes ont définitivement lâché la barre puisque, outre une multitude d’invraisemblances (le Baron Frankenstein avait un deuxième fils dont on n’a jamais évoqué l’existence dans le précédent opus, Ygor et le Monstre ne sont finalement pas morts, les villageois qui paraissaient pacifiées et sont, à nouveau, sur les dents…), toute licence poétique passée se voit remplacée par des rebondissements de série B classiques (la résurrection du Monstre, les tourments du Dr Frankenstein, les projets de changements de cerveau qui paraissent d’une facilité désarmante, le super-monstre final…) et des personnages aux réactions assez inattendus
(l’assistant qui va trahir le Dr Frankenstein pour permettre à Ygor de dominer le monde, le procureur pas plus surpris que ça de découvrir le Monstre que tout le village cherche dans les caves de son futur beau-père…)
. Quant au casting, on retrouve, toujours, avec un certain plaisir quelques ténors du genre tels que Bela Lugosi (qui s’empare, à nouveau du meilleur rôle du film mais dont le personnage est bien moins intéressant ici), Lon Chaney Jr (en Monstre au temps de présence accentué, surtout au vu du précédent opus) et Lionel Atwill en scientifique frustré. J’ai moins été emballé le falot Cedric Hardwicke (pourtant acteur shakespearien), qui est loin d’égaler les prestations des grands Colin Clive et Basil Rathbone. Reste, néanmoins, le plaisir certain de voir un film de la période bénie des Monstres Universal et un final d’un pessimisme intéressant (même si on ne sait que trop que les morts dans la saga ne sont pas toujours définitive) qui rendent ce quatrième opus indispensable, malgré tout, pour tous les fans de ces films d'un autre temps.