Souvent oublié dans la liste des films de monstres classiques du studio Universal (dont on retient plus volontiers "Le Loup-Garou" avec Lon Chaney Jr), "Le Monstre de Londres" (sorti en 1935) est pourtant un film réussi et une vraie curiosité à découvrir aujourd’hui… pour peu qu’on ne soit pas réfractaire aux vieux films d’horreur, il va sans dire ! En effet, le film peut se vanter d’être le long-métrage parlant à mettre en scène un loup-garou... qui plus est avec un maquillage loin d’être ridicule signé par le génie Jack Pierce ! A ce titre, les transformations du monstre, filmés avec les moyens de l’époque, sont gentiment bluffantes et évite le piège du ridicule que n’éviteront pas toujours les très nombreuses adaptations qui suivront. La représentation du loup-garou est, d’ailleurs, assez déstabilisante ici puisque, si on retrouve bien la rage animale inhérente au monstre, une large part d’humanité est conservée…
de sorte qu’on se retrouve avec un monstre qui prend le soin de s’habiller avant de sortir et qui parle
. On pourrait considérer, aujourd’hui, ce parti-pris comme un défaut majeur mais, le fait d’être devant la première représentation du loup-garou lui confère un certain charme. Autre originalité : le remède à la lycanthropie
(à savoir une plante extrêmement rare)
qui ne sera pas repris par la suite. Mais la réussite du " Monstre de Londres" n’est pas seulement due à ses effets spéciaux. "Le Monstre de Londres" s’appuie, en effet, sur des personnages étonnement denses et un scénario plutôt intéressant qui fait la part belle aux non-dits… titillant, ainsi, à loisir, l’imagination du spectateur. Ainsi, le Dr Glendon (campé par la cabotin Henry Hull) n’est pas un gentil héros victime du sort (comme le sera, plus tard, le Lawrence Talbot joué par Lon Chaney Jr.) mais un scientifique névrosé qui sacrifie son mariage à sa passion... en étant, au passage, assez détestable avec sa femme (la belle Valerie Hobson) qui va se laisser tenter par un amour de jeunesse (invraisemblable Lester Matthews qui ressemble à tout sauf à un jeune premier tentateur). Ce trio amoureux est assez inattendu dans ce genre de production et s’avère être dépeint avec une certaine subtilité, ce qui crée un véritable affect pour les personnages. Autre bonne surprise : la qualité des seconds rôles. On retrouve, ainsi, toute une galerie de personnages originaux et souvent drôles, qui viennent considérablement enrichir le film, à commencer par la bourgeoise alcoolique aimant s’encanailler dans les milieux mal famés (Spring Byington) et l’invraisemblable duo de logeuses, également alcooliques et accessoirement adeptes des coups fourrés (Ethel Griffies et Zeffie Tilbury). Le film pourrait, d’ailleurs, être légitimement taxé de misogynie pour l’image qu’il donne de la gente féminine
(les victimes du monstre sont des "pécheresses", la femme du héros a des envies d’ailleurs, les vieilles célibataires sont portées sur la bouteille…)
. Enfin, il y a la présence mystérieuse du Dr Yogami (Warner Oland) qui fait planer une menace latente sur tout le film, tout en laissant transparaître un véritable désarroi face aux événements.
A ce titre, le film évite le piège d’une confrontation finale entre les deux loups-garous sous leur forme monstrueuse, ce qui permet au film de s’achever sur une note moins attendue.
La mise en scène de Stuart Walker, enfin, est plutôt réussie, le réalisateur livrant un film qui ne souffre pas de temps mort, qui baigne dans une atmosphère gentiment fantomatique (jeux d’ombre et de lumière, exploitation intéressante des scènes de nuit, musique de circonstance…) et qui ne se ridiculise pas avec ses effets spéciaux. "Le Monstre de Londres" est, donc, injustement oublié derrière les "Dracula", les "Frankenstein" et autres "Momie". Il reste, néanmoins, un peu moins réussi que le "Loup-Garou" avec Lon Chaney Jr.