Premier volet de la trilogie de Park Chan Wook axé sur la vengeance, ce Sympathy for Mister Vengeance s'avère être bien différent que le plus connu des 3 films, l'immense Old Boy.
C'est un film qui commence doucement, en dépeignant une Corée injuste, une Corée pauvre, une Corée malade, une Corée des galères, dans un style presque naturaliste à la Une Affaire de Famille, sans musique, sans véritable action. On suit juste un sourd muet (d'où aussi le fait qu'il n'y ait quasiment pas de musique durant le film), bossant à l'usine et tentant de faire opérer sa soeur atteint d'une grave maladie, en vain. On le voit déambulant dans des quartiers pauvres, délabrés, croisant des SDF ou des gros tarés qui se pignouf sur des gémissements de femmes (qui sont en fait les cris de douleurs de la soeur de Ryu). Et puis au milieu de ca, enfin bien éloigné quand même, des patrons tout puissant, rapias, ne pensant qu'a eux, vivant dans des grandes baraques. Il y a vraiment cet aspect social de la lutte des classes, et même un côté politique via la soeur et la copine de Ryu, toute deux limite anarchiste, qui est souvent présent. Ca peut tomber parfois dans quelque chose d'un peu abusé, comme la scène où un ancien employé viré se mutile devant son ex patron, mais ça reste léger. Tout ce que je viens d'évoquer correspondant environ aux trente/quarante première minutes, jusqu'à ce que l'histoire se mette réellement en route.
Une histoire qui semble bien se mener, jusqu'à ce qu'un terrible événement vienne troubler tout le plan imaginé par Ryu, et puis bam !encore un autre, une horreur, et toujours dans ce silence lugubre. Et c'est la qu'on comprend enfin de quoi va partir cette vengeance. Une vengeance qui met beaucoup de temps à se profiler, peut être un peu trop, on a pas beaucoup le temps d'en "profiter". Mais dès qu'elle est en action par contre, c'est une folie.
Cette vengeance est montrée comme absurde, ultra violente, et où aucun n'est positionné comme méchant ou victime, ni même tueur, puisque chacun l'est à un moment. C'est en cela que Park Chan Wook se démarque, créant une histoire sans manichéisme. Aucun traitement de faveur, mais aucun dégoût non plus, chacun est logé à la même enseigne, pouvant passer pour un malade ou une ordure dans une scène, en commettant les pires horreurs imaginable, et être l'inverse dans la suivante. D'ailleurs les dernières 30/35 minutes sont en cela énorme, avec un empilage de cadavres. Tout ça pour arriver à cette scène finale absolument terrible, en mode "elle t'avais prévenu, mais tu n'en a fait qu'a ta tête". Monstrueux.
Et puis juste un petit mot côté réa. Après un JSA plutôt sage dans ce registre, Park Chan Wook se lâche, sans non plus tomber dans un sur-esthétisme que l'on retrouvera plus tard dans son cinéma. C'est mesuré et maîtrisé, toujours très beau. Ce qui m'a frappé (au delà des qualités évidentes qu'on lui connaît), c'est sa maîtrise parfaite du hors champ, ainsi que du son provenant de ce même hors champ. Il nous fait souvent part de l'art de ne pas montrer la violence et les horreurs frontalement, pour autant c'est tout aussi terrible, et ça c'est fort.