Le cinéma coréen, c'est puissamment mon truc. Mais vraiment. J'adore. Chaque film est une découverte, une aventure; en fait, chaque film est un parfum de glace différent, une friandise encore inconnue. Et je m'en délecte jusqu'au bout; oui, j'en profite tant que ça dure, tant je sais pertinemment que l'effet ne sera plus le même une fois les deux heures passées. Car dès que le générique de fin s'annonce, j'ai cette certitude que la surprise est passée, et pour la première fois dans ma vie de cinéphile, je veux en rester à un seul visionnage pour garder un souvenir intact et parfait. Un peu comme Ted d'How I Met Your Mother, mais version films. Une surprise d'autant plus saisissante que je n'avais jamais vu de films de Park Chan-Wook; la trilogie de la vengeance, moi je ne connais pas. Pas de Old Boy, donc. Mais je ne le regrette pas; non, je ne le regrette pas parce qu'ayant commencé le truc dans l'ordre, je peux maintenant m'y plonger à pleines dents, comme le jeune morfal que je suis. Morfal mais pas trop. Parce qu'il y a des limites à la morfalitude. Alors, que dire de ce "Sympathy for Mr. Vengeance" qui fait tant couler d'encre? Paraît que c'est moins bon qu'Old Boy". J'en ai rien à carrer, j'ai pas encore vu "Old Boy". Mais ce jour viendra, c'est promis. Je disais donc que le métrage dont on parle aujourd'hui ( pas "Old Boy" hein ) est une grande surprise, et bien plus que cela, c'est assurément un grand film. Je comprends parfaitement que l'on puisse ne pas aimer, tant le film se perd parfois dans ses délires, avec un rythme aussi lent que mélancolique, mais c'est justement ce qui m'a plu. Parce que le métrage change de tout ce que l'on a pu faire dans le genre, hier comme aujourd'hui; Park Chan-Wook ne fait pas un sous Punisher, non, il cherche l'humanité dans les monstres, et explique, au final, qu'il n'est de monstres que ceux que l'on a construit. C'est la société qui pousse l'homme à faire des choses terribles pour tenter de contrôler sa vie à nouveau; devant le décès probable d'une soeur, l'injustice autour des tribunaux ou les pleurs d'un sdf sous la pluie, il n'est rien d'autre que le système pour tellement changer un homme qu'il est prêt à faire le mal pour sortir la tête de l'eau. Mais la vie est faîte d'une morale infaillible, et aussi vrai que notre personnage principal l'apprendra, ce sera surtout pour le spectateur l'occasion rêvée de s'attacher à un personnage qui nous ressemble, à un homme lambda porté par un très bon Shin Ha-Kyun. Geek par excellence, jeune perdu dans une société qui ne le comprend plus, c'est une profonde déchirure que de le suivre dans sa déchéance, de le voir sombrer dans le sadisme. Car bien plus qu'un homme en particulier, c'est l'humanité qui est remise en cause : sa nature bestiale, mauvaise et cupide, tout ce qu'il est prêt à faire pour son propre bien être au détriment du bonheur des autres, cet égoïsme qui lui est surement propre, ainsi que cette rage intérieure, toutes ces choses, tous ces thèmes sont rebattus avec talent et maîtrise. Certes, le film n'est pas exempt de tous défauts, et il se trouve quelques petits détails dans le scénario qui m'ont gêné, mais le tout est mené avec un tel rythme lourd, pesant, presque angoissant, que je ne pouvais que m'incliner devant le travail de si grands artistes. Forcément, la mise en scène ultra viscérale de Park Chan-Wook ajoute à ce côté presque glauque de l'oeuvre, oeuvre purement brutale et sans concession. Il faudrait également ajouter que la fin cloue littéralement son pauvre spectateur sur place, avec une morale en béton et une ironie terrible. Pas un chef-d'oeuvre, mais presque. Certes, le rythme est lent, mais la chute n'en est que plus dure, et l'atterrissage que plus douloureux.