Une superbe épopée réalisée de main de maître par David Lean. "Le Docteur Jivago" mêle habillement la petite et la grande histoire pour raconter la Russie de la révolution bolchevique. S'il simplifie la réalité historique, le film n'en reste pas moins un formidable témoignage de cette époque trouble. Suivant le point de vue politique déjà présent dans le roman de Pasternak, "Le Docteur Jivago" se montre critique envers la révolution, pas dans les idéaux qu'elle défend mais dans son exécution. Ainsi, on assiste aux dérives du système, qui détruit l'individualité et le droit à la vie privée au profit de l'esprit et de la vie communautaire, mais dépeint ici dans se qu'ils ont de pire. Pourtant, contrairement au roman, le film ne montre pas, ou peu, que les blancs (partisans du tsar) comme les rouges (communistes) commettent des atrocités et détruisent l'idéalisme des personnages, à commencer par celui de Jivago. Mais malheureusement, les personnages sont tous extrêmement simplifiés, et il faut tout le talent des comédiens (tous parfaits) pour parvenir à leur donner vie. Le personnage qui souffre le plus du passage du roman au film est bien celui de Pasha, fascinant car plein de faiblesses (comme son amour pour Lara qui l'étouffe), ce qui l'humanise au lieu d'en faire une simple « machine ». Son personnage d'idéaliste rêvant de révolution et d'égalité mais se transformant en bolchevique fanatique, cruel et impitoyable aurait pourtant était la métaphore parfaite de l'effet néfaste que se communisme corrompu peut avoir sur des hommes pourtant bons. Mais ne chipotons pas, car "Le Docteur Jivago" bénéficie tout-de-même de la maîtrise technique de David Lean, d'une reconstitution exceptionnelle (décors, costumes...), d'une musique culte de Maurice Jarre et d'une belle photographie dont l'utilisation est originale (les scènes de combat baignent dans la lumière alors que les scènes d'amour sont très sombres). Et comme dit plus haut, les acteurs sont parfaits. Le trio d'acteurs parvient parfaitement à rendre les sentiments ambivalents du triangle amoureux. Jivago (Omar Sharif), partagé entre sa passion pour Lara (superbe Julie Christie) et son amour basé sur l'amitié avec Tonya (charmante Géraldine Chaplin), tandis que toute deux s'acceptent et se respectent malgré les circonstances. Sans oublier les seconds rôles qui, de Rod Steiger en politicien sans scrupules à Alec Guinness en membre du parti suivant strictement les règles mais n'en pensant pas moins au fond, en passant par l'apparition de Klaus Kinski en anarchiste, sont tous excellents. Et puis comment oublier certaines scènes, comme la répression de la manifestation bolchevique, la découverte des corps d'adolescents enrôlés par les blancs ou le « palais des glaces » baignant la fin d'un onirisme inattendu.