Classique parmi les classiques (au même titre que "Ben-Hur", "Le Docteur Jivago" ou "Les 10 commandements"), "Lawrence d’Arabie" fait partie de ces films XXL d’une autre époque dont on sait qu’ils ne pourraient plus exister aujourd’hui. Il faut dire qu’il dure près de 4 heures et qu’il traite d’un sujet pointu (à savoir la création d’une nation arabe moderne en plein désert sous les yeux d’un militaire anglais anticonformiste) qui effraieraient tous les producteurs actuels. Alors, plus de 50 ans après sa sortie en salles, que reste-t-il de "Lawrence d’Arabie" ? Forcément un spectacle impressionnant, à plus forte raison à une époque où les effets numériques n’existent pas. Ce cachet, qui deviendra de plus en plus inestimable au fil des années et des blockbusters gavés de plans à effets spéciaux, est d’autant plus saisissant lors des séquences en plein désert réunissant des milliers de figurants. Le réalisateur David Lean était connu pour son sens de l’image et du plan majestueux. Son "Lawrence d’Arabie" en est truffé et la BO de Maurice Jarre, devenue également un classique, s’inscrit dans cette lignée. Lean filme du reste son histoire comme Lawrence l'a raconté dans son livre, à savoir une aventure exotique qui n'est pas sans rappelé les grands récits de découverte du monde par les Occidentaux. Il n'est guère surprenant que "Lawrence d'Arabie" ait été l'une des inspirations de Spielberg et Lucas pour Indiana Jones. Mais, plus encore que ses qualité esthétiques (qui ont, certes, fait la renommée du film), c’est bien son propos qui lui a permis de rester dans l’histoire. L’histoire bigger than life de ce fameux Lawrence et l’évocation d’un pan méconnu des Occidentaux de l’histoire moderne sont tout simplement passionnantes. On ne peut, à ce titre que saluer l’effort de vulgarisation qui permet d’appréhender les tenants et les aboutissants de la création d’une nation arabe. Les seconds rôles permettent l’immersion du spectateur, même si les haters d'aujourd'hui hurleraient au white washing ! Il faut dire que, tout aussi convaincants soient-ils, voir Sir Alec Guiness en prince arabe et Anthony Quinn en cheikh du désert a de quoi faire sourire de nos jours. A l’inverse, Omar Sharif est éblouissant de naturel et se pose comme un modèle de charisme qu'on a trop tendance à oublier (la faute, sans doute, à ses pubs pour "Tiercé Magazine") . Mais, bien évidemment, l’attraction principale du film est l’interprétation de Peter O’Toole dans le rôle-titre. Le personnage n’est pas idéalisé et l’acteur (dont il s’agissait d’un des premiers rôles) livre une prestation troublante, tant dans son admiration de la culture arabe que dans ses tourments. Son côté atypique (pour ne pas dire asocial vis-à-vis de ses compatriotes) apporte une vraie plus-value au récit. On peut, d’ailleurs, s’étonner qu’avec un tel personnage principal, il ressorte du film une impression de spectacle un peu trop académique, voire trop sage. Il s’agit sans doute de l’écueil des grands films de cette époque. Il en est de même pour sa durée, qu’on sent quand même bien passer, surtout dans la seconde partie, à mon sens moins maîtrisée que la première. "Lawrence d’Arabie" reste, pour autant, un grand film mais force est de constater qu’il est, aujourd’hui, davantage un plaisir de cinéphile qu’une curiosité à conseiller à un ami.