Que de libertés prises avec l' Histoire !
Panégyrique quant tu nous tient !
Je comprends bien que, sur écran géant, en Scope, Technicolor, son stéréophonique et tout le bataclan, cette lourde machine ait pu donner à voir et, à une époque moins voyageuse qu’aujourd’hui, ait pu faire rêver des millions de spectateurs. Après tout, à Paris comme en province, les salles qui présentaient les films de voyage de Connaissance du Monde étaient, elles aussi bondées. Depuis que nous avons les séries d’Ushuaia et que nous connaissons M. Arthus-Bertrand, on nous la fait moins facilement…
Car enfin, même si la musique de Maurice Jarre est prenante et parfaitement réussie, 3h42 de désert et de chevauchées à dos de dromadaires, c’est un peu lassant, et le rythme d’une étouffante lenteur du film ne prend un peu d’allure qu’à l’extrême fin, lorsque Lawrence s’aperçoit qu’il a été refait comme un petit enfant boudeur.
Il me semble que dans son chef-d’œuvre, Le Pont de la rivière Kwaï ou dans le moins réussi, mais intéressant Docteur Jivago, le réalisateur David Lean avait montré son sens de l’ampleur, souffle, mais aussi celui du récit ; rien de palpitant dans Lawrence d’Arabie, seulement le parcours d’un type assez bizarre, masochiste et exalté, au regard extatique, qui, au nom d’on ne sait quelle lubie vient allumer quelques incendies dans un Proche-Orient qui n’en avait pas vraiment besoin.
Turcophobe et francophobe, ce qu’on peut concevoir d’un Britannique, il n’agit pas, en fait, pour asseoir l’influence de la Grande-Bretagne sur la région, mais par pure arabophilie (cela, c’est le film ; la réalité du personnage historique paraît avoir été moins manichéenne) ; son idéalisme lui revient dans la figure .
Lawrence d’Arabie est un des films les plus dépourvus de femmes de l’histoire du cinéma ; nous voyons des ombres .
Sur la cinquantaine de noms figurant au générique, sur Imdb, je ne recense qu’une actrice, dans un rôle muet (et d’ailleurs non crédité) d’infirmière ; les yeux devaient être bien naïfs, en 1962, pour ne pas voir par là une présentation détournée mais fort claire de la pédérastie de Lawrence, rendue assez douteuse par le physique de Peter O’Toole, un des acteurs les plus figés qui se puisse, presque orgasmique lorsqu’il tue.
Bref, tout ça n’est pas terrible, malgré les décors, les costumes, et la photogénie éternelle du désert…
Sur le sujet de l’homosexualité, On est comme on est, un point c 'est tout, i j’en conviens, mais je refuse que l’on se pare comme un titre de gloire ce qui est une donnée de nature.
En voyant Peter O’Toole gambader comme un elfe sur le toit d’un train, et animant ses voiles comme Salomé devant le roi Hérode Antipas, j’ai effectivement pensé à Priscilla folle du désert et je goguenarde là-dessus. Le droit à l’indifférence, c’est aussi le droit au sarcasme ; si l’on s’interdit de se moquer des Noirs, des Juifs ou des Nippons comme on se moque des Corses, des Auvergnats ou des Écossais, c’est qu’on est déjà contaminé par la doxa .
Ceux qui sont d’une génération morale, où l’équivalence des idées et des comportements est reine, où chacun a le droit de vivre sa vie, quelle qu’en soit la conséquence pour le corps social, peuvent s’indigner qu’une critique soit moqueuse, injuste, parcellaire, agressive, démesurée : le grand silence du respectable (respect, le mot le plus répugnant du politiquement correct) a déjà envahi tant de (pourtant bonnes) cervelles que rien ne m’étonne plus.
Voilà de bien grands mots pour un film qui ne mérite que des bâillements !