Un sans faute pour ce deuxième chapitre! J'irai même plus loin en disant que le cinéma d'épouvante a rarement connu mieux. Jack Sholder donne suite au classique de Craven avec génie. La tâche était pourtant difficile mais visiblement pas impossible. On retrouve tous les ingrédients qui fonctionnaient dans le premier opus et l'on en découvre d'autres bien meilleurs encore.
Attention, le mérite de Wes Craven n'est pas à négliger: il a créé un mythe qui fascine toutes les générations, c'est lui qui a permis à Jack Sholder de réaliser ce petit bijou qui surpasse, selon moi, le premier épisode.
Le scénario est divinement construit. La plupart du temps, pour les suites, spécialement dans les slashers à grand succès, le réalisateur se repose exclusivement sur les bases qui ont fonctionné, qui ont fait leur preuve et se montre fainéant pour la réalisation de son film, on l'a vu dans « Vendredi 13 », on l'a vu dans « Halloween » (même si le deuxième Halloween est excellent, il ne fera que surfer sur la vague lancée par Carpenter). Avec « La revanche de Freddy », ce ne sera pas le cas ! Certes, on revient à Elm Street et une famille loue la maison quelques temps après les événements du premier épisode. Nous avons donc le shéma classique d'une suite de films d'horreur.
Cependant, je le répète, le film ira plus loin ! Ici, Freddy n'intervient dans les rêves que d'un seul des protagonistes et désire se servir du corps de ce dernier pour agir dans le monde réel. Cet adolescent, Jesse, a emménagé avec sa famille dans l'ancienne maison de Nancy, héroïne du premier épisode. Il est possédé par Freddy et tue pendant ses cauchemars. Freddy ne tue donc plus dans les rêves mais se sert d'un ado endormi pour poursuivre son oeuvre de terreur. Incompris, pris pour un fou par tous ceux qui l'entourent, il ne reçoit l'aide que de sa petite amie. Cette nouvelle dimension confère à la franchise une vraie consonance psychanalytique ! S'ajoutent alors aux bases de Craven, les bases de la possession, de la maison hantée. À cet effet, le film regorge d'idées savoureuses : La chaleur suffocante de l'habitation, le grille-pain qui prend feu alors qu'il n'était pas branché, l'oiseau qui explose, etc...
La réalisation est très soignée : une ambiance angoissante est sans cesse présente.
Le fait que la grande majorité du film se passe dans la réalité rend le film confus, en effet, parfois, on se demande si c'est Freddy qui tue ou Jesse possédé ou même Jesse qui a perdu la raison... cette confusion est très salutaire, cela maintient le spectateur attentif.
Un autre point très positif :les acteurs, ils sont tous très convaincants. À croire que le succès du premier les enchante et les motive à donner leur maximum. À ce sujet, il s'agit là d'une énorme différence si on compare « La revanche de Freddy » aux autres épisodes de la saga ! Même celui de Craven présente quelques imperfections quant au jeu de certains acteurs.
Il y a aussi une dimension dramatique qui est accentuée par l'affection que l'on éprouve pour les deux personnages principaux. Leur relation parvient à nous toucher, à nous séduire. Du coup, le malheur qui les atteint nous atteint également. À ce propos, l'affiche (très réussie) présente Freddy en gros plan et l'enlacement du couple. Cela annonce bien le décor, nous aurons droit à l'horreur mais également à une touche de romance, mais une romance bien foutue ! De quoi ravir les mecs comme les filles ! Enfin, les filles pas trop sensibles tout de même, car il convient de souligner une scène particulièrement gore : la sortie de Freddy du corps de Jesse. Donc, en effet, il s'agit d'une séquence particulièrement pénible à regarder qui n'est ni plus ni moins la meilleure scène de tous les films de la saga Freddy confondus. C'est un avis personnel d'accord mais tout le monde conviendra qu'on nous sert une esthétique prodigieuse ! J'irai même plus loin en affirmant qu'il s'agit d'une des meilleures séquences du cinéma horrifique dans son ensemble, ce n'est d'ailleurs pas un hasard si cette séquence a été choisie pour figurer dans un flashback de « Freddy vs Jason » de Ronny Yu. Lors de cette séquence, jesse se réfugie chez son meilleur ami afin que ce dernier l'observe en train de dormir, le souci, c'est qu'à ce stade de l'histoire, Freddy est assez puissant pour prendre le dessus sur Jesse et carrément prendre son indépendance. Cette séquence montre donc Freddy se débattant pour sortir de son enveloppe terrestre et Mark Patton, décidément très bon dans son rôle, livre une prestation digne de la transformation mythique du « Loup-Garou de Londres » réalisé 5 ans plus tôt.
Freddy Krueger est également nettement plus visible que dans le précédent film où il apparaissait souvent dans l'ombre. Robert Englund peut davantage montrer son talent dans ce deuxième film.
Travail très soigné ponctué par un final réussi, la cerise sur le gâteau... La lutte de Jesse dans le corps de Freddy. Jesse finira par vaincre grâce à l'amour et le soutien de Lisa. On se souviendra de ce baiser qu'elle fera à Freddy, baiser qui lui sera fatal ! Un final aussi impressionnant que touchant dans un décor symbolisant un enfer très personnalisé.
En résumé: un brillant exploit qui ne me fait que déplorer la trop maigre filmographie de Jack Sholder.
Alors pourquoi ça ne marche pas ? Eh bien je vous le demande ... ? Qu'est-ce que vous n'aimez pas dans ce chef-d'oeuvre horrifique ?
Certes, il y a toutes les raisons logiques qui découlent du trop gros succès de Craven, il y a aussi la volonté de Sholder et de David Chaskin (scénariste) de bouleverser les codes établis pour faire une oeuvre originale et enfin, il y a le fait d'avoir certaines séquences homosexuelles. Il s'agit d'un des premiers, peut-être LE premier, film d'horreur à mettre des séquences gay. Plus loin encore, il ira dans le sadomasochisme. Et ce côté « inédit » était un peu audacieux quand on l'ajoute à une franchise naissante qui fonctionne.
Rappelons que l'affiche présente la phrase « The man of your dreams is back », l'homme de vos rêves est de retour... Une analyse plus poussée de l'oeuvre démontrerait en fait que Freddy, dans ce deuxième opus, ne serait que le refoulement des pulsions sexuelles (homo ou hétéro) de Jesse. En effet, il semblerait que Freddy ne fasse son apparition qu'aux moments où Jesse a des pensées sexuelles... On se souviendra de cette scène fabuleuse où Jesse et Lisa sont en préliminaires et qu'une langue énorme sort de la bouche de Jesse.
Finalement le film pousse à une petite réflexion sur le problème d'orientation sexuelle bien connu chez les jeunes.
Ça ne plaît pas au tout public qui préfère voir une oeuvre dépourvue d'originalité respectant bien la franchise en rentrant dans le rang, bien triste constat...
Il convient d'ajouter que, si Wes Craven nous offrait quelques plans peu crédibles (la poupée censée représenter la maman de Nancy lors de la scène finale par exemple), Sholder réalise un film qui vieillit très bien et qui ne présente aucune séquence de ce style.