La poignée de comédies et scénarios de Norbert Carbonnaux s'est souvent distinguée de la comédie populaire commune par un ton et une singularité loufoques dignes d'être soulignés. "Le temps des oeufs durs" -titre croquignolet- est probablement le meilleur film du cinéaste. Il permet, d'alleurs, à Darry Cowl, de composer un personnage attachant dans le style qui est le sien, mais sans les outrances. Darry Cowl est un chauffeur de taxi qui gagne une grosse somme à la loterie et qui, pour les beaux yeux de la fille d'un peintre médiocre (Fernand Gravey), achète à l'insu de ce dernier, ses "croûtes". C'est la fin des "oeufs durs" (de bistrot) pour l'un et l'autre. Ça a l'air d'une comédie courante des années 50 mais, très vite, on s'aperçoit de la causticité que l'auteur met dans les dialogues, de l'application qu'il met dans la mise en scène. Par conséquent les comédien(ne)s, auxquel(le)s il faut ajouter Julien Carette et Béatrice Altariba (partenaire de Darry Cowl dans les deux "Triporteurs"), sont bons et éloignés de toute forme de cabotinage. On le mesure encore lorsque la comédie , suivant la bonne fortune du peintre qui le rend méprisant et vaniteux, se fait fable. Le scénario témoigne de concision et introduit de bonnes idées dans ses facéties.
Ce film qui avait impressionné Jean-Luc Godard est une excellente surprise. On est tout d'abord déçu de ne pas entendre Darry Cawl faire son numéro habituel avant de s'apercevoir que le film fonctionne tout à fait autrement. Cawl interprète ici un personnage lunaire (parfois assez proche d'Harpo Marx) et poétique. Le scénario qui au passage constitue une charge contre les parvenus et les faux génies s'envole parfois dans des scènes d'un surréalisme étonnant (les clochards qui chantent "Petit Papa Noël", la scène de pose, le noyé à la piscine, le contrôle des faux billets au commissariat) voire dans le burlesque (l'improbable prison) et dans des plans étonnants (le caniveau, on l'on jette les coquilles d'œufs, les tableaux, et les bouquets de violettes). Un petite perle à redécouvrir d'urgence !
Bon, je n'aurai pas tenu plus de 20 minutes, et encore. Lourd. Darry Cowl fait ce que lui a été demandé : du Darry Cowl. Du fric (loterie) afin de faire un contenu. Un film qui n'aurait pas dut sortir en DVD mais finir dans les oubliettes du cinéma de série Z. Une chose m’a tout de même surpris : la qualité de l’image. Non pas les plans, mais la pellicule. La qualité de l’image est vraiment bonne malgré plus de 60 ans (hé oui). Ce qui fait d’autant plus regretter la piètre qualité du film. L’on entend parfois « c’était mieux avant », démonstration que ce n’était certainement pas toujours le cas.