L'authentique cinéphilie, si l'on en croit la terminaison, serait de tomber amoureux d'objets filmiques. "Drôle d'élucubration!" s'exclameront certains en lisant ces lignes cachant leur étonnement derrière un sourire narquois. A ces gens, je laisse la satisfaction de négliger le pouvoir du Cinéma. Mais cela ne m'empêchera pas de le clamer haut et fort : "Mon amour pour Lost In Translation est bien réel!" Car comme l'amour, mon attachement à ce film ne s'explique pas. Bien sûr, il sera toujours possible de poser des mots, de chercher au fin fond de nous-même le pourquoi du comment, afin d'expliquer un tel phénomène, mais il n'en demeure pas moins que l'essentiel ne peut-être capter par des mots, que cette essence est étrangère à toute logique, et que seul une rencontre avec cet être/chose permet d'en saisir la nature.
Une rencontre. C'est justement le sujet, aussi banal soit-il, à partir duquel Sofia Coppola débute dans sa belle entreprise de création. Combien de fois ce large et abondant canevas aura-t-il été utilisé dans l'histoire du cinéma? Et combien de fois aura-t-il été servi à la même sauce? Car si la rencontre amoureuse affecte tendrement les scénaristes, la plupart du temps, elle ne stimule en rien leur imagination trop souvent indolente. Ainsi, les films se suivent et se ressemblent, en s'empêtrant sans cesse dans les mêmes clichés, se gargarisant de leurs facultés à les rendre toujours plus niais et dégoulinant de bons sentiments dénaturés.
Lost in Translation peut se vanter de façonner l'histoire qu'il raconte sans jamais tomber dans la paresse ou la facilité scénaristique et formelle.
Certes la fable est composée tout en simplicité. Mais tout bon cinéaste le sait, ce n'est pas de la complexité que naissent les émotions. Ici, tout se ressent et c'est là que se situe la force du film.
Lorsque les protagonistes déambulent dans les rues vespérales de la ville, prisonniers d'hypnotiques néons lumineux dont la danse psychédélique échappe à toute compréhension, lorsqu'ils se faufilent à travers cette masse de gens inaccessibles, Sofia Coppola, tout en signifiant la rupture des personnages avec un environnement qu'ils ne connaissent pas, parvient à instiguer une poésie mélancolique à sa toile de fond, en s'appuyant également sur des thèmes musicaux à caractère triste et nostalgique. De ce fait, une ambiance inoubliable jaillit du coeur même de la pellicule.
Mais que serait-il advenu de cette atmosphère si celle-ci s'était retrouvée dépourvue de la relation qui unît nos deux acteurs? Pas grand chose sans doute.
Car comme le paragraphe ci-dessus le laissait entendre, la relation décrite par Sofia et sa clique de scénaristes, outrepasse les clichés pour devenir une authentique histoire d'amour. Aucun détail n'est laissé au hasard, chaque action, aussi bête soit-elle, trouve son importance dans la toile relationnel que vont tissés nos deux personnages. De cette façon, une séance de Karaoké devient un flirt subtil à la puissance érotique inimaginable au premier abord, Scarlett étendue sur le lit en position foetale à côté de Bill Murray, une scène exempte de contact charnel qui en dit plus long que n'importe quelle autre. Tout est dans le non-dit, dans la suggestion. Par ailleurs, le casting composé par Scarlett Johannson et Bill Murray semble seoir parfaitement à l'esprit du métrage. A mes yeux, il ne fait aucun doute que leur collaboration aura été à l'origine du meilleur duo apparu à l'écran. Naturels, sympathiques, charmants, charismatique, émouvants, ces acteurs ont toutes les qualités requises pour un tel film...et surtout ils se complètent bien.
Je défie quiconque de ne pas tomber amoureux de Scarlett en visionnant ce film.
Un chef-d'oeuvre.