"I'm fait chier, vot'Schubert, vous comprenez ? I'm'fait chier !!" Musique originale - Franz Schubert. La douleur romantique rattrape le patron régressif qui ne jurait que par la douceur. Le compartimentage (vertical, horizontal, carroyé) caractérise la mise en scène, histoire d'imprimer le 'no way' au labyrinthe amoureux ; divisionnisme et chaos psychologique autorisent sauts et chevauchements temporels surréalistes, reliés par ces airs mélancoliques au pouvoir aliénant. Des petites phrases, sortes d'aphorismes, viennent parsemer espièglement ce flux tendu à première vue banal. La lente caresse de la caméra apaise le tourbillon des sentiments. Pour exprimer l'émotion, point d'échanges inutiles: au milieu des regards, tout coule de source. Malheureusement Bernard, pris entre deux axes (d'un côté la belle Florence, ses enfants, sa superbe villa du littoral marseillais, ses amitiés, de l'autre sa passion indomptable, son rêve de renouvellement), ne s'avère capable ni de faire un choix, ni d'intégrer fièrement son amante Colette. Soumis au forces en présence, il se laisse balloter, tangue, hésite, reprend, sans pouvoir davantage se résoudre à lâcher prise, à s'abandonner à l'amour. La belle, au-delà de la jalousie, hautaine mais liquéfiée, tente de ronger son frein, alors que son nanard, redevenu petit enfant indécis, ne peut résister à ce désir contrarié mais animal. Il y a du Shakespeare, un peu de Racine, dans cette ironie sur l'amour qui tente de s'affranchir des regards. On peut regretter la primauté donnée à l'esthétisme compassé du trait, qui tend à étouffer pudiquement l'insolence spontanée qu'une Balasko aurait été en droit de porter (ici, B. Blier préfère la gravité). Toutefois, malgré quelques passages d'abstraction traînassante, le caractère élégamment déroutant des enchaînements donne au pitch rabattu une dimension fascinante, très poétique, soutenu par des acteurs bien trouvés.