Bertrand Blier... Toujours à tourner autour de lui-même, à tourner des films qui veulent faire réfléchir aux conventions sociales. Il nous avait habitué à plus terre-à-terre, à plus plus "physiquement édifiant", que cette création aérienne portée à bout de bras. C'est presque féerique, la façon qu'il a de faire retenir leur souffle à ses scènes. On le sent d'entrée quand Depardieu occupe la première image de sa voix et Balasko de son visage ; l'entrée dans chaque plan est un choc photographique, en respect permanent de la loi des tiers, dont les lignes droites coupent le sifflet à tout le monde, sauf Schubert, choisi par le cinéaste pour conduire le ballet.
Cela semble d'ailleurs nouveau, cet attrait de Blier pour l'image parlante. Non qu'il l'ait jamais délaissée, mais elle occulte presque le propos de cet opus, faisant que les dialogues, soignés, tournent dans le vide parfois. Difficile pour le dialoguiste, en effet, de tenir le rythme face à cet emploi très simple de la topographie ; 1) des bureaux mitoyens, qui se voient mais ne se rejoignent pas, 2) une grande maison dont on ne voit que l'essentiel tant la richesse semble gâchée en-dehors de la salle à manger, 3) un appartement d'écrivain, sans vraiment de pièces que l'endroit pour écrire et l'endroit pour déprimer de ne pouvoir écrire, 4) une maison où toutes les pièces ont la même importance futile de pouvoir accueillir un couple.
C'est littéralement une histoire cloisonnée autour de son intrigue, et de l'exploration des sentiments qui la composent. Ce serait assez plat, finalement, si c'était une vision rêveuse et emmurée, mais les didascalies et le montage interviennent. Les premières, en un peu plus d'onirisme, sont des personnages qui peuvent se transformer par la force du fantasme dont elles sont la métaphore toute-puissante. Le second, un mélange de tout, une confusion de cette topographie pourtant si clairement établie, une sorte de transgression d'une loi des tiers atmosphérique contribuant à faire du film la question à ses propres réponses. Un coup de génie de Blier dans une époque qui réclame des choses qui changent.
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