Gus Van Sant est comme une éponge, il a deux facettes, l’une est douce, contemplative, imprégnée par la nature, l’autre est plus dure, plus destructrice. Deux personnalités qui semblent cohabiter dans ce film inspiré d’un fait divers que le réalisateur de « Elephant » a lu un jour dans un journal, qui racontait comment deux marcheurs sont morts dans un désert, à 300 kilomètres de l’autoroute qu’ils recherchaient. Sur cette idée morbide se base le scénario de « Gerry », co-écrit par des acteurs investis, notamment Casey Affleck qui a même participé aux repérages.
« Gerry » est comme un objet difforme, un meuble à plusieurs étages, contemplé par des fourmis à bout. L’occasion de voir deux hommes seuls dans les paysages désolés que personne ne semble avoir vu jusque là. Des frères, des amis, qui petit à petit se rendent compte qu’ils plongent en plein cauchemar. Ici, le ciel est d’une luminosité terrifiante, une luminosité qui ne manque pas de sublimer des personnages pris dans l’effroi et face à une mort imminente. Mais le savent ils à ce moment ou tout semble perdu, quand ils sont paumés dans ces rochers dangereux et vertigineux ?
« Gerry » c’est la grâce, ces longs plans étirés, qui durent parfois plusieurs minutes dans un silence stressant, qui voit l’aube se lever sur les deux complices dont l’allure s’affaiblit, ces deux êtres qui ressemblent entre autre à des pantins morts vifs, psychologiquement écorchés. Entièrement glaçant, Gus Van Sant appuie sa caméra contre les paysages et les façonne, il donne sens à la mort qui règne ici, montre du doigt la paresse des hommes. Il qualifie avec brillo l’approche d’un dernier souffle au milieu de la beauté et de la mélancolie, en nous faisant profiter de ces paysages qui semblent sortir tout droit du temps des dinosaures, ou le temps ne semble même plus s’écouler par manque d’envie.
L’homme n’est que le regard dans la nature, la nature est le lieu ou les âmes s’effondrent. Poème chiant et anticonformiste, odyssée d’une rare intensité et d’une puissante sensibilité.