Gus Van Sant a tourné " Gerry " avant " Elephant " mais les spectateurs français ont découverts ces deux films dans le désordre. Disons même que c'est le succès d' " Elephant " et sa Palme d'Or au festival de Cannes 2003, qui ont décidé MK2 a finalement bien vouloir exploiter le film précédent du cinéaste, resté dans d'obscurs tiroirs. Et grand bien leur en a pris, il nous ont ainsi permis de découvrir l'un des plus beaux films de l'histoire du cinéma, ni plus ni moins, et sans aucun doute le plus beau réalisé ces vingt dernières années.
Le sujet de ce film est on ne peut plus simple : deux copains, de jeunes adultes, partent se balader dans le désert américain et se perdent. C'est tout ? Oui, c'est tout, et c'est justement ce qui donne à ce film toute sa singularité narrative : il ne tient que sur un très mince fil, le rendant fragile, délicat, sensible. Les deux types, qui se surnomment tout deux " Gerry ", sont tellement amis qu'ils n'ont pas besoin de se parler pour se comprendre. A première vue, on est donc face à un film on ne peut plus minimaliste où pendant une heure trente, deux gars marchent dans le désert sans s'adresser la parole. Cela pourrait être emmerdant au possible. C'est au contraire bouleversant, passionnant, beau, fort, évident. Tout repose sur la mise en scène, évidemment, c'est elle qui transcende tout et qui transforme ce simple fil narratif en tragédie grecque d'une pureté frôlant l'abstraction.
Ce qui frappe avant tout dans " Gerry " c'est son extrême simplicité, - il n'y a rien à comprendre de particulier dans le film, pas de sens caché -, associée à une sensation d'être face à un objet hautement intellectuel, tellement intelligent qu'il en est évident à comprendre (la principale vertu de l'intelligence est d'être limpide et accessible) et qu'ils nous renvoient, nous, spectateurs, pas pris dans une logique de masse, mais en tant que somme d'individualités, face aux questions existentielles les plus profondes.