Oui, j'ai marqué "chef d'oeuvre" ! Et pour cause ! Ce film est splanchnique, tant pour les acteurs -au sens de "qui agissent"- que pour les spectateurs.
Je ne suis pas croyant, et je suis prof de lettres classiques -autant dire que les textes relatant l'événement, je les ai étudiés, et ce, bien plus en profondeur que ceux qui parlent de l'épisode sans en connaître les sources- et j'ai un souvenir : lors de la sortie de salle, bouleversé, j'ai entendu une femme dire : "Ce film est nul ! il n'y a aucun suspense !". J'ai eu envie de la gifler !
Hormis l'anecdote, je crois devoir dire qu'il faut arriver vierge de toute idée préconçue devant ce film, et vierge même de ce commentaire qui n'engage somme toute que moi. On oublie donc les idées problématiques du réalisateur, les difficultés inhérentes à ce sujet traité, les facilités cinématographiques employées de temps à autre et on regarde ce film comme un tableau !
J'aimerais d'ailleurs lire les détracteurs du film faire de même avec le tableau d'un peintre de la Renaissance italienne par exemple !
Donc, le film en soi : une oeuvre d'art ! Une caméra toujours placée au bon endroit, de manière à nous faire revivre le calvaire -très- sanglant du Christ (mais somme toute, une passion est une "passion", c'est à dire, une "souffrance" en latin). Il faut avoir le coeur bien accroché, il faut l'avouer. D'autant plus que Jim Caveziel est habité, tout comme les autres comédiens. A un tel point qu'on oublie de lire les sous-titrages des langues araméenne ou latine -j'ai peut-être eu une facilité sur ce point, je l'admets- !
Un film physique donc, très physique, et qui pour autant n'oublie pas le spirituel : admirez le plan qui suit la crucifixion : la caméra en plongée qui est le regard de Dieu, se transformant en goutte de pluie, grossie de manière à symboliser le miracle qui suit la mise à mort... Un trait de génie pour ne pas dire un trait divin ! Ce n'est qu'un détail mais tous les plans sont à analyser, sans préjugé aucun.
La musique envoutante et la puissance des choeurs ajoutent beaucoup dans le pathos -au bon sens du terme-, il est vrai ; mais là encore, voyez ça comme une intervention de Dieu...
Et une question se pose alors, même pour l'athée que je suis... Et si tant de beauté, et si tant de bouffées de sentiments -oui, on pleure devant la tragédie d'une telle barbarie !- nous approchait du divin ? Car il faut bien l'avouer, la Religion -les religions !- a poussé les hommes à commettre des exactions inqualifiables, il est vrai ; mais elle les a poussés aussi à se surpasser dans bien des domaines !
Et c'est sans doute pour ça que Mel Gibson signe ici un chef d'oeuvre...