Inutile de préciser qu'aucun avis sur "la Passion" de Gibson ne peut être impartial, et le mien ne le sera pas plus.
Tout d'abord, ce qui est dit dans les médias n'est pas exact, ce n'est pas un film gore : un chemin de croix qui dure 8h a forcément un impact sur un quart du film, et c'est beaucoup moins pénible pour un spectateur de 2004 que "Seven", "Psychose", l'"Année du Dragon" ou "21 grammes". Il ne faut pas prendre les gens pour des enfants de choeur. Par ailleurs, il me semble qu'à Chartres, le chemin de croix sculpté dans la pierre à raison de 2m de haut prend presque la moitié de la chapelle.
Dans le cas qui nous occupe, il s'agit sans doute d'une volonté d'électrochoc, pour montrer la barbarie des Romains et des gardiens du temple de l'époque, qui, jusqu'en 1793, ont toujours tout fait pour garder leurs pouvoirs respectifs, temporel et spirituel.
Le seul moment de violence "gratuite" réside sans doute dans les détails, notamment le filet de sang qui coule le long des clous. Néanmoins, il était sans doute nécessaire de passer par là pour sortir de l'angélisme du catéchisme. C'était une période dure, et l'on ne vivait pas comme aujourd'hui. Ce film a le mérite de nous remettre en question face à certains messages sur le pardon face à la violence vue par la vraie souffrance. Et rappelle que Dieu vomit les tièdes, et à cette période, loin de notre confort électrique, cela voulait dire quelque chose pour les croyants.
Cela dit, il ne respecte sûrement pas parfaitement les écritures, ce n'est pas le sujet de ce site.
Je ne parlerais pas de l'accusation d'antisémitisme, on aurait du mal à critiquer les Juifs dans un film où ce sont les romains qui injurient ce juif... Jésus de Nazareth ! Encore une fatwa incohérente bien du niveau intellectuel des censeurs qui empêchent la liberté de parole dans notre pays. Notamment en considérant, d'une manière de plus en plus insultante et autoritaire, que les Français sont incapables de séparer le bon grain de l'ivraie.
Quelques scènes font un peu série TV, mais les studios de Cinnecita ne sont pas connus pour leur expérience hollywoodienne. En bref, la forêt fait fausse, les stucs font très faux. Mais le chemin de croix et les scènes extérieures sont très impressionnantes de professionnalisme, même si elles n'ont rien à voir avec Jérusalem.
Gibson fait un parfait directeur d'acteurs, particulièrement pour les bourreaux, à force de subtilité chorégraphique, de psychologie résumée, bref, de vraisemblance.
Pas mal de plans originaux, la musique est mitigée, entre le pompeux hollywoodien et le sensible.
Enfin, ce n'est pas un film américain, le réalisateur est australien, les acteurs arabes, italiens et juifs polonais, les décors italiens et les studios, Felliniens.
Signe qu'Hollywood est de plus en plus "orienté" et qu'il est impossible d'y faire certaines choses ? Ce n'est pas à moi de répondre !
Bref, beaucoup de bruit pour rien, mais un cadeau inespéré à des milliards de catholiques de par le monde, faire prendre conscience au reste du monde qu'ils restent (vu les chiffres de fréquentation) le ciment d'une civilisation basée sur le progrès intellectuel (c'est la seule qui a accepté l'évolution externe) et sur des paraboles qui obligent à réfléchir, et non à obéir...
Surtout, quand on sort d'une scène de lapidation musulmane dans "Osama", il est bien agréable de se rappeler que c'est Jésus qui, le premier, a pardonné et sauvé une certaine Madeleine, magnifiquement interprétée par la belle et courageuse Bellucci.
Cette critique est partiale, simplement on ne peut pas faire renier à un Européen, même agnostique, 2000 ans de civilisation Judéo-chrétienne, surtout pas faces aux extrémismes et barbarismes moyenâgeux qui resurgissent
alentours.
Surprise, la salle était pleine... de jeunes... de toutes origines.
Evidemment on a eu le droit aux applaudissements à la fin. Un film en tout cas moins pénible que ce que la presse, de plus en plus orientée (?), avait sous-entendu.