"La passion du christ" est puissant, violent brutal, ne se cache derriére aucun subterfuge et dévoile une vision horrifique des douze derniéres heures sur Terre de Jésus. Si je ne suis pas particuliérement touché par cette histoire, on ne peut que plaindre cet être qui déplore être le messie de Dieu, le sauveur de l'humanité, le porteur de la vérité universelle, jusqu'à sa condamnation symbolique. Mel Gibson use de cet art qui lui est propre, en dévoilant chaque instant, chaque moment, chaque séquence dans la plus grande froideur et la plus éloquente des cruautés que peu de spectateurs sont capables de supporter psychologiquement. On voudrait que ça s'arrête, qu'on en finisse, mais portés par le message clâmé avec la conviction de son réalisateur, cette oeuvre dérangeante vous entraine inconsciemment dans vos propres retranchements et vous obligé à assister au dénouement tragique et inévitable. Musicalement, John Debney propose une bande originale lyrique et douce qui, dans l'enchevetrement de ce chemin de croix, inspire le pardon et la reflexion. Jim Caviezel campe un Jésus paralysé de douleur, déchiqueté en lambeaux, avec un regard rempli de tout sentiment sauf de haine. Et, miraculeusement, on s'égaye face à son sort funeste mais Ô combien representatif d'une souffrance commune, d'une incertitude croissante. Ce peuple convaincu que cet homme crucifié ne fait que blasphémer, tel un prophéte usurpateur, n'accorde aucune clémence et croit rendre hommage à Dieu en faisant tomber le masque. "Pardonne-leur, pére. Ils ne savent pas" dirait Jésus. Le souci, c'est que le public non plus ne sait pas. A moins d'être un fervent croyant, on ne pourra pas réellement juger l'authenticité du film dans son ensemble. Une chose est certaine, c'est que le trés controversé Mel Gibson maitrise son sujet, l'emméne, le développe avec une excellente mise en scéne et un scéne. C'est avant tout une experience. Une sorte d'archive relatant les derniers mots, les derniers gestes, les dernieres souffrances de l'enfant de Dieu, avant sa résurrection. Quant aux scandales qui en ressortent, peu importe. On ne peut pas dire "juif" sans être antisémite, on ne peut pas montrer la stupidité et la corruption humaine, sous pretexte d'aller à l'encontre de l'Eglise. Finalement, si l'on écoutait tout le monde parler, Mel Gibson ne sortirait pas du lot. Mais voilà, c'est tout le contraire. Même s'il faudra attendre "Apocalypto" pour qu'il renoue avec son public et offre un spectacle bien plus interessant, de mon point de vue, il aura su imposer sa lecture personnelle, non exemptée de défauts, mais narrée avec une efficacité redoutable et un pessimisme tranchant.