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Ne risquant pas les redites, je vais être un peu moins concis que d’habitude.
Précision préalable : j’ai visionné la version « courte », de trois heures et demie quand même, (deux autres versions plus longues ont été montées), qui a obtenu le Grand prix spécial du jury à Cannes en 1979, face à une forte concurrence.
La genèse du film est intéressante : il s’agit d’un film de commande du pouvoir Soviétique sur la découverte du pétrole en Sibérie. Konchalovski a en partie rempli le cahier des charges, mais il s’est surtout affranchi de l’esprit de la commande pour en faire un film ambitieux et personnel.
Quelques mots sur le titre : Le suffixe -ade évoque tout à la fois un caractère collectif, des actions, des constructions, une forme poétique, voire le produit fabriqué à partir d’un ingrédient, ici la Sibérie.
Il renvoie aussi -et surtout- à un genre littéraire : l’épopée (L’Illiade, la Franciade, …) qui comprend une idée de durée et un mélange de dimensions individuelles et collectives.
Les épopées sont écrites pour célébrer un grand fait (répondant en cela à la commande Soviétique), ou pour évoquer une suite événements historiques en utilisant une forme poétique.
Le film correspond à ces trois caractéristiques.
Au générique apparaît un sous-titre presque redondant, « Poème », qui affirme la priorité du cinéaste, qui vise plus à l’évocation qu’à l’analyse.
Comme les œuvres du genre revendiqué, le film est long. Il est lent aussi : le cinéaste prend son temps, en laissant des plans durer plus que dans les productions « normales », comme pour imprégner le spectateur de son ambiance, et il faut faire l’effort de pénétrer dedans.
L’action se passe quasi exclusivement dans le petit village Sibérien d’Elan, perdu dans la taïga, sur les soixante premières années du 20eme siècle. Il conte les histoires de trois générations successives de deux familles, l’une pauvre, l’autre (relativement) riche. Il est rythmé de plusieurs façons : par les départs et les retours au village des protagonistes et par des images d’archives servant d’intervalles en les parties, images en noir et blanc des deux conflits mondiaux, de la révolution bolchevique et de la guerre civile.
Le film est très riche, abordant plusieurs thèmes, en utilisant plusieurs genres : il y a des scènes dramatiques, oniriques, poétiques et de comédie. Il est aussi empreint de spiritualité, voire de surnaturel et de mysticisme. Peut être est-ce l’utopie dont il parle le mieux, de l’utopie du père qui au début du film construit une route vers l’étoile la plus brillante, à l’utopie suggérée du communisme, de l’utopie de l’homme en général symbolisée par le dernier plan du film.
L’ambition avouée par Konchalovski était de faire un équivalent Russe au « Novecento » de Bertolucci, la même période historique et les démêlés personnels et familiaux se mêlant à l’identique dans les deux œuvres. Il a presque réussi.