Hero
Un film de Zhang Yimou
Sur une histoire qui n’est pas sans rappeler l’excellent Tigre et Dragon d’Ang Lee, le très sérieux Zhang Yimou a construit une épopée surprenante. Une fresque colorée avec les arts martiaux comme moteur de l’action.
Mais il y a heureusement plus que cela. Sans atteindre des sommets dans la débauche d’effets visuels et provoquer un sentiment d’euphorie comme a pu le faire Tigre et Dragon, Hero soutient la comparaison sur bien des tableaux, pour parfois même surpasser les grands classiques du genre, dont les plus illustres sont les films réalisés par Tsui Hark.
Il y a en effet dans Hero une quête existentielle plus présente, plus élaborée, qui donne une profondeur indéniable au propos, ainsi qu’un travail approfondi sur la forme.
Le contexte s’inscrit en l’occurrence dans une perspective globale –l’unification d’un pays aux dimensions gigantesques- où le sens du sacrifice et l’acceptation de sa propre mort peut contribuer au bien-être général.
L’histoire se résume ainsi. Du temps où la Chine n’était pas géographiquement unifiée, sept royaumes se faisaient inlassablement la guerre. Parmi les sept rois, un seul, le Grand Roi, se révélait particulièrement belliqueux. Manifestant sans relâche sa volonté d’hégémonie, le Grand Roi s’était finalement attiré les foudres des ses six congénères, qui ourdissaient complot après complot afin de le faire disparaître. Les meilleurs assassins et les meilleurs chevaliers avaient été dépêchés pour ce faire, jusqu’alors sans résultat. Un beau jour, le meilleur d’entre-eux se présenta à la cour du roi, avec pour trophées les instruments de mort des trois plus redoutés assassins. Pour chercher sa récompense ?
Outre l’aspect métaphysique qui étoffe la légende qui nous est contée ici, Zhang Yimou a pris un soin particulier à peaufiner l’esthétique de sa réalisation. Au début, les chorégraphies ne paraissent pas spécialement spectaculaires. Ce n’est que progressivement qu’elles se montreront sous leur vrai jour, de plus en plus élaborées. Ce sont d’ailleurs les figures acrobatiques qui permettent de faire la distinction entre une première partie plus introductive, plus terre à terre, et la seconde, dans laquelle le film aspire à une nouvelle dimension, avec notamment l’exploitation du sentiment amoureux et le concept d’intérêt général. Dans la seconde moitié, les chorégraphies se font plus aériennes, le travail sur les couleurs est à couper le souffle. On passe des tons jaune, orange, rouge, aux tons vert, bleu, sans que la narration en ressorte décousue, au contraire.
Cette facette visuelle, qui a une place à part, donne une unité à un récit qui a pu paraître haché, erratique de prime abord. Le fil conducteur n’était pas apparent au tout début, il se dégagera le plus naturellement du monde par la suite. Clairement supérieure à la première moitié du film, la seconde partie emporte tout sur son passage. Rien n’y manque, en effet. De combats incroyables, surréalistes, à un sens profond qui se dévoile un peu plus à chaque scène, en passant par une recherche esthétique aboutie et une musique excellente concoctée par Tan Dun (il avait déjà composé celle de Tigre et Dragon) le spectateur ne pourra qu’être charmé. Avec Hero, Zhang Yimou montre qu’il y a une alternative au phénomène Matrix , et rappelle, s’il est encore besoin, que le cinéma asiatique n’a pas attendu les frères Waschowski pour nous offrir des séquences aériennes innovantes, sans pour autant avoir recours à une imagerie numérique surpuissante et sans âme. Et il nous donne également l’occasion et l’envie de redécouvrir le très bon Tigre et Dragon.