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Kurosawa
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4,0
Publiée le 15 octobre 2022
Ce pourrait être un film emblématique d'une génération ou d'une époque ; Cavalier fait le choix volontaire de ne pas élever son film à ce niveau en adoptant une forme mineure, récréative , et un ton volontiers malpoli. Comédie désenchantée sans jamais tomber dans la mélancolie, "Le plein de super" parvient à être relativement accessible sans pour autant rendre ses personnages sympathiques ou ses ressorts comiques conventionnels. Le film fait rire en employant des gags qui seraient un croisement entre l'esprit de la Nouvelle vague et des aspects carrément graveleux, le tout avec des personnages qui ont au fond peu de points communs, mais qui forment une bande singulière où l'alchimie se crée au gré des événements. C'est là où devient visible l'esprit libertaire, voire anarchique, du film, dans sa manière de donner l'impression que les situations s'improvisent, que les acteurs ont davantage les clés en main que le metteur en scène, que le plaisir de se mettre dans la marge – et ce sur tous les plans : marge des lieux de tournage habituels, marge prise par rapport à l'élaboration d'un scénario classique, marge par rapport au jeu d'acteurs et aux tonalités employées – était bien plus important que le contrôle, que de rendre une copie bien exécutée. Si le film assume clairement sa marginalité, il ne fait pas pour autant n'importe quoi ; s'il ne se rêve pas en une sorte de film-étendard de la France post 68, il montre néanmoins beaucoup à ce sujet : portrait de seconds rôles franchouillards rabougris, de petits bourgeois hypocrites et de patrons ayant bien intégré le nouveau monde capitaliste en plein essor, le film raconte tout cela en passant, comme si de rien n'était, comme si le monde n'avait pas réellement d'emprise sur les personnages. Evidemment, Cavalier sait qu'il s'agit d'une illusion, et le dernier tiers du film l'atteste : le chômage, le divorce et un avenir bouché se mêlent et sonnent comme la fin de la récréation, la fin peut-être d'un esprit de camaraderie qui, à peine commencé, devrait s'avouer comme une échappatoire seulement temporaire au marasme ambiant.
C'est l'histoire de deux copains qui, convoyant une Chevrolet vers le Midi, rencontrent deux autres types. Ensemble, ils poursuivent une voyage chaotique au terme duquel naîtra peut-être une amitié durable. Mais ce n'est pas là l'enjeu du film. Cette balade à quatre, meublée de chahuts, de disputes et de confidences, montre, sans aucune intention et dans un langage cru, des hommes en liberté. Ils peuvent être puérils, vulgaires, machistes, mais sont surtout vulnérables. Daniel, Charles, Philippe et Klouk ont en commun de traverser une période sentimentale délicate. Ruptures, ménage morose, homosexualité refoulée, tels sont les maux qui déterminent l'attitude de chacun, son agressivité parfois comme ses inhibitions. Les quatre acteurs et co-auteurs du film s'autorisent une grande liberté de ton et ne prétendent à rien, sinon à affirmer contre une idée reçue l'affectivité masculine. Leurs personnages sont attachants, drôles malgré eux, mais on sera plus sensible, finalement, à l'esprit du film, à son caractère, qu'à son propos.