Ben Affleck, vous savez, c'est le mec un peu pataud et très fade qui a fait une masse assez énorme de nanars romantiques (ou pas). Même que Ben Affleck, tout le monde s'accorde sur le fait que c'est un mauvais acteur. Effectivement, il n'est pas très bon, même si son niveau s'est rehaussé dans "Hollywoodland", sorti en janvier dernier, en incarnant feu George Reeves, le monsieur qui portait le costume de Superman à la télévision. Casey Affleck, l'acteur principal de ce "Gone baby gone", est son frère (déjà remarqué dans le déchirant assassinat de Jesse James face à Brad Pitt). Où est le rapport? Tout simplement, Ben Affleck réalise, son frère joue. Une belle histoire, donc, pour son premier film. Car, en plus, c'est un premier film. Donc oui, le projet accumule les doutes : un premier essai par un acteur fade qui tente d'adapter un beau bouquin crépusculaire, c'est pas gagné gagné. Et pourtant. Prions pour que le talent de metteur en scène de Ben Affleck explose encore dans ses prochains films, car ici, tout concoure au grand art. Etonnant, mais contre toute attente, "Gone baby gone" se révèle être un film exceptionnellement beau, et aussi crépusculaire que le livre dont il est tiré. Filmant une ville crasse où chaque personne sue de tout son être, le soleil pénétrant leurs peaux sales et boutonneuses, le nouveau cinéaste déplie une intrigue apparemment peu passionnante (deux enquêteurs s'associent à la police pour retrouver une petite fille kidnappée), mais filmée dans l'urgence, tout en creusant profondément chacun des personnages, leurs doutes, leurs erreurs, les errements intérieurs que provoquent l'action de faire un choix. Si "Mystic river", de Clint Eastwood (adapté du même auteur, Dennis Lehane), nous montrait l'après, les traumas, les conséquences d'une histoire sensiblement pareille, "Gone baby gone" nous place dans l'instant, là où personne n'a idée de ce qui sera juste ou ne le sera pas, le moment-clé qui décidera de la suite. Chaque personnage subissant