L’écrivain Dennis Lehane serait-il devenu la nouvelle source d’inspiration pour le tout Hollywood ? Après "Mystic river", qu’il va falloir que je me décide à visionner un de ces jours, "Gone baby gone" constitue la deuxième adaptation cinématographique de ses romans. Et franchement, quand on voit la qualité du long métrage, ça donne envie de découvrir les œuvres du romancier. Pourtant, au vu de la complexité de cette affaire, due en grande partie à la complexité psychologique de chaque personnage, je n’ai pu m’empêcher de penser que ça doit être mieux encore dans le bouquin. Même si les scénaristes Ben Affleck et Aaron Stockard ont tenté de retranscrire au mieux cette complexité morale. En effet, nul n’ignore combien cet exercice est difficile. La réponse viendra par ceux qui ont lu l’œuvre littéraire, selon la perception personnelle de chacun, cela va de soi. Le fait est que ce film est suffisamment bien ficelé pour captiver l’attention du spectateur tout le long du film. Ben Affleck signe ici sa première réalisation, remarquable de sobriété pour une affaire plus compliquée qu’il n’y parait au départ. Il n’a pas cédé à l’euphorie de sa première utilisation de fauteuil de cinéaste : pas d’effet de style quelconque, il est resté très classique. Mieux : en dirigeant avec précision ses comédiens, il réussit à leurrer le spectateur, à lui faire sentir la pression que dégage cette affaire. Le rappel en filigrane du drame des enfants disparus y est aussi pour quelque chose, bien que cette méthode soit on ne peut plus habituelle sur ce genre de sujet. Nous n’aurons donc pas de tour de passe-passe technique pour subjuguer une intrigue qui, à la base, n’en a pas vraiment besoin tant elle parait authentique. L’histoire se déroule comme une mécanique bien huilée malgré les quelques couacs tels que nous pouvons les connaître dans la vraie vie, et c’est avec nos deux détectives que nous irons de surprise en surprise. La première surprise ne vient pas du fait que les victimes du rapt font appel à des détectives. Non elle vient de Casey Affleck : il a beau avoir une gueule d’ange, son personnage ne lâchera pas l’affaire. Et ce ne sont pas les diverses intimidations qui le feront reculer, bien au contraire. Un détective digne de ce nom ne doit-il pas aller jusqu’au bout de ses investigations ? On peut même s’étonner qu’il puisse se révéler en vrai dur à cuire… Oui mais c’est alors oublier sa propre présentation narrée en voix off à l'entame du film, et les quelques menues précisions qui viendront plus tard à son sujet. Casey Affleck forme un joli duo avec Michelle Monaghan, bien que celle-ci fasse moins éclater sa présence dès qu’elle apparait à l’écran. Elle se fait même voler la vedette par la surprenante Amy Ryan, jusque-là principalement cantonnée aux séries télé ! Pour en revenir à Casey Affleck, en revanche il passe mieux encore avec Ed Harris, et on sent une vraie complicité entre les deux acteurs malgré… malgré… raaaa je suis désolé mais je ne peux en dire plus. Disons malgré une vision différente des choses. Voilà. Ed Harris et son incroyable présence sont donc en tête de liste des seconds couteaux, parmi lesquels figurent quand même Morgan Freeman, et John Ashton qui lui non plus n’est pas un nouveau venu. L’interprétation de l’ensemble des acteurs est remarquable, permettant de contribuer à l’authenticité de cette histoire. D’autant plus que "Gone baby gone" se termine sur une question à laquelle il est vraiment difficile de répondre : dans un tel cas, que convient-il de faire ? Un vrai cas de conscience superbement illustré par l’affiche du film, avec cette vue d’ensemble sur une ville où règnent mensonges et faux-semblants, signes extérieurs de toute cette mélasse poisseuse répandue par les criminels tels que trafiquants de drogue et pédophiles. Oui vraiment, la première réalisation de Ben Affleck est remarquable car elle est maîtrisée, elle captive, et en plus elle pose des questions morales sans y répondre. Des questions qui ne manquent pas de pousser à la réflexion le spectateur. Ce dernier aura beau les tourner dans tous les sens, il ne trouvera pas de réponse pleinement satisfaisante pour la bonne et simple raison qu’il ne sait de quoi l’avenir est fait, sans compter que ça dépend des cas et de bien des choses. Ce serait tellement plus simple, sinon… Mais cela permet de comprendre aussi toute la difficulté des décisions de justice, souvent controversées, et malheureusement pas toujours adaptée, il faut le reconnaître. Bon là j’ai débordé un peu en marge du film… Conclusion : une première réalisation très prometteuse de Ben Affleck.