Souvent mis dans la liste des acteurs hollywoodiens les moins talentueux, Ben Affleck change ici de poste, en se mettant cette fois-ci derrière la caméra. En tant que réalisateur et scénariste (rôle qui lui avait apporté la consécration avec Will Hunting). Et pour sa première réalisation, Affleck s’attaque du très gros, à savoir l’adaptation d’un livre de Dennis Lehane. Du lourd car Clint Eastwood est déjà passé par là, en nous livrant son chef-d’œuvre Mystic River. Ben Affleck peut-il se montrer à la hauteur avec cette version cinéma de Gone Baby Gone ?
En plein milieu de la ville de Boston, une petite fille de quatre ans, Amanda McCready, a mystérieusement disparu sans laisser de traces. Son oncle Lionel et sa femme Béatrice engagent un couple de détectives privés, Patrick Kenzie et Angela Gennaro, afin d'enquêter sur la disparition de leur nièce. Sa mère, Ellen, une toxicomane alcoolique et irresponsable, semble assez peu préoccupée par la situation et le couple commencera à enquêter sur cette dramatique histoire. Ils découvriront par la suite que la disparition d'Amanda a un rapport avec un trafic de drogue et que la mère d'Amanda est responsable de ce qui est arrivé à sa fille.
Certains pourraient avoir quelques réserves sur le schéma scénaristique du film, assez classique pour une histoire policière. Mais dans ce cas, faut-il critiquer le film ou le livre ? Et certains films, ayant une histoire simpliste sur le papier, ne sont-ils pas devenus des chefs-d’œuvre (comme The Dark Knight, où le synopsis annonçaient un duel entre Batman et le Joker) ? Il ne faut pas s’arrêter au squelette d’un scénario quand celui-ci se retrouve élargi par tout un travail bienvenu ! Ce qui est le cas de Gone Baby Gone. A partir de l’enlèvement d’une fillette, le film (comme le livre) prend bien évidemment la route du thriller policier. Mais n’oublie pas d’approfondir les personnages comme il faut, et de traiter certains sujets plutôt dérangeants (comme le comportement d’une mère toxico envers sa fille, jusqu’à quel point un flic peut souhaiter la mort d’un criminel, la corruption…). Et surtout, il faut remarquer que, finalement, Gone Baby Gone n’empreinte pas entièrement les sentiers battus du genre, grâce à des surprises et révélations bien vues. Ce qui met en valeur sur ce qui a été fait sur les protagonistes. Sans oublier une fin qui ne flirte pas avec le happy end : (attention au spoiler !!) si la fillette est retrouvée, le héros, Patrick, se retrouve larguée (gentiment) par sa copine, et vient à se demander si avoir rendu l’enfant à sa mère était la meilleure des choses (c’est que je ressens à la fin, quand Patrick voit avec quelle indifférence la mère sort s’amuser et redéconner, voulant absolument laisser sa fille à quelqu’un pour qu’elle puisse être gardée). Gone Baby Gone peut alors se vanter de faire partie des meilleurs histoires policières du moment. Et on ne peut que saluer le choix de Ben Affleck d’avoir voulu porter à l’écran une telle trame !
Même si nous restons en-dessous de Clint Eastwood et de son mythique Mystic River, il faut l’admettre : Ben Affleck est un réalisateur de talent ! A se demander pourquoi est-il acteur ! Si parfois on peut se demander pourquoi il filme la ville de Boston comme si la population apportait quelque chose à l’histoire (chose qui aura plus d’ampleur dans The Town), il arrive à donner à son Gone Baby Gone une ambiance. Une atmosphère sombre et lourde, qui s’accorde à merveille avec l’histoire, et qui se rapproche de la profondeur de Mystic River. Montrant bien que son film provient du même univers ! Sans oublier le fait qu’Affleck semble savoir comment et où placer sa caméra pour filmer ses acteurs. Rendant répliques et dialogues cinglantes part moment.
Et n’oublions pas le casting de prestige avec lequel Ben Affleck s’est entouré ! Déjà par deux monstres du cinéma hollywoodien que sont Ed Harris et Morgan Freeman. Qui, comme à l’habitude, se montrent parfaits. Ils sont même bien au-dessus de certaines prestations précédentes. Très bonne surprise de la part de Michelle Monaghan, souvent jugée comme plate et sans âme (à part dans le savoureux Kiss Kiss Bang Bang), dévoile un naturel que l’on ne lui connaissait pas, et se révèle donc à la hauteur de cet univers. Mais la révélation restera sans l’ombre d’un doute le frangin Casey Affleck (comme quoi, Gone Baby Gone se présente comme une affaire de famille). Jusqu’ici réduit aux seconds rôles (dont Tom Myers d’American Pie et Virgil Malloy d’Ocean’s Eleven), il trouve enfin de l’ampleur et peut prouver qu’il a du talent.
Gone Baby Gone est un excellent film ! Sans l’ombre d’un doute ! Et surtout, il reste comme le film des révélations ! Celle de Casey Affleck, acteur de talent. Mais surtout celle de Ben, acteur peu marquant qui se révèle être un réalisateur, un vrai ! Bluffant et talentueux ! Voici les qualificatifs adéquats ! Et il n’est pas étonnant de voir qu’Affleck arrive encore à nous éblouir avec The Town et Argo !