Aprés l'accumulation de films trés moyens, voire ces derniers temps à coté de leur sujet (Domino, Unstoppable, etc) Tony Scott aurait bien pu passer le reste de sa carriére sans ne serait-ce présenter un film saisissant. Et bien, non. Rassurons-nous. Il a eu la révélation suprême, l'intelligence éphémére, la beauté stylistique, la vision créative, pour proposer un film qui, dés les premieres minutes, s'apparente à un chef d'oeuvre instantanné. Une claque, un monument, qui monte en crescendo du début à la fin et se clôture avec douceur dans un équilibre parfait. Violent, noir, sensible, flirtant tantôt avec la candeur de la jeunesse confrontée aux affres du monde adulte, tantôt avec la cruauté humaine dans un contexte sordide et méprisable, le film passe en revue un bien grand nombre de codes, arborant une solide réalisation boostée à l'adrénaline et offre une experience unique. La "Hermandad", réseau de kidnapping aux multiples recidives, se crée des ennuis en se taillant un ennemi de taille en la personne de John W.Creasy, prés à tout pour sauver cette jeune enfant de neuf ans, enlevée à ses dépens, qu'il avait pris d'affection. Avec une déconcertante raffinerie, Denzel Washington enfile son costume d'ex agent de la CIA meurtri par ses actes passés, attendant le jour salutaire, et l'interprete magistralement, dans toute sa puissance émotive et dans la poésie de ses silences éloquents. A ses cotés, Dakota Fanning, a qui depuis fait un long chemin et prouvé avec désinvolture son réel talent artistique, fait dans la finesse et la curiosité, captivant le spectateur. Cette alchimie bouleverse litteralement, on s'attache aussitôt et on se demande où l'ensemble va bien nous emmener. Si certains pourront juger l'ensemble trop noir et pessimiste, allant jusqu'à révolter contre les choix de mise en scéne du réalisteur, cette élégance qui en découle naturellement prête à confusion tant cela paralyse l'atmosphére générale pour en faire quelque chose à la fois rigide et explosif. Le montage épileptique dont Tony Scott est adepte n'empêche aucunement l'oeuvre d'être pleinement savourée. Si les plans parfois clipesques peuvent laisser un certain goût amer, ils ont toujours un interêt, ce qui n'était pas le cas de la plupart des réalisations précédentes du réalisteur à l'allure d'inachevé. Ici, on a bel et bien une oeuvre aboutie, sérieuse, sincére. Un hommage pour son acteur fétiche, mais aussi une récompense pour le public qui attend depuis bien longtemps le réveil du metteur en scéne qui, malheureusement, n'aura visiblement duré qu'un temps. Si la morale de l'histoire peut laisser dubitatif -"Une balle dit toujours la vérité"-, son approche est d'autant plus réaliste. Harry Gregson Williams compose une bande originale tendre, loin de la surenchére émotionnelle, et permet de ne pas attacher trop d'importance à la sensiblerie qui ressort, même si cela demeurre inévitable au final. Un trés grand moment de cinéma, efficace dans son intégralité et d'une effarante simplicité.