Avis sur Bordel SS

Bordel SS est un film pour lequel il ne faut surtout pas se fier au titre. Le métrage méritait clairement mieux qu’un titre pareil, car c’est une excellente surprise, et pour mon premier Benazeraf, je dois dire que j’ai frappé fort, avec une bande très méconnue et qui mériterait de l’être plus.
Coté acteur, on retrouve en vedette pas trop affichée cependant, Brigitte Lahaie. Elle est assez discrète, mais clairement elle a un physique singulier, qui font de ses apparitions, au milieu du spectacle hypnotique qui nous est proposé, des moments assez fascinants. Pour autant le film ne se repose heureusement pas sur ses lauriers, et propose un casting dans son ensemble des plus attrayants, et cela avant tout car au-delà d’acteurs qui se débrouillent ma foi très bien, il y a surtout des personnages structurés, voir même bien intéressants. Bordel SS n’est clairement pas qu’un porno malgré des scènes explicites, et développe des personnages construits, qui ne sont pas seulement prétexte à des scènes de sexe. Ces-dernières sont d’ailleurs pas très nombreuses ici. A noter des nazis qui, pour ce genre de film, n’en font pas des tonnes, et tant mieux.
Le scénario est finalement très bien fait, avec un style pièce de théâtre qui convient fort bien ici. Bordel SS est vraiment construit comme une pièce, et le résultat est attrayant. Il y a une vraie histoire, de la consistance, une touche dramatique solide, et un rythme un peu lent mais suffisamment dynamique pour ne pas ennuyer. Bénazeraf sait prendre son temps pour poser son intrigue, et ne pas tout donner à l’érotisme et au porno, parvenant même à introduire dans son film une belle poésie, et une étonnante mélancolie.
Visuellement c’est là le plus gros succès du film. Bordel SS est sublime. La mise en scène est remarquable, et détonante. La manière de filmer de Benazeraf ici est tout à fait surprenante, avec des cadrages étroits, une vraie attention portée à des éléments de détails, et une incomparable capacité à contourner les obstacles. Par exemple sur la fin il y a une fusillade, pas forcément ce que semble apprécier Benazeraf, et à la vue des moyens du film, pas besoin d’espérer des folies. Mais le réalisateur filme sans rien montrer quasiment, et pourtant il donne l’impression d’un moment d’action prenant. Je n’ai pas compris encore comment il a fait cela ! En tout cas fort belle surprise, avec des scènes hard par ailleurs réussies coté mise en scène, plus que les scènes soft pour le coup ici assez plates. Le petit raté de Benazeraf sur ce métrage. Bordel SS est aussi doté d’une brillante photographie. Au début je pensais que ca venait de la qualité médiocre de ma copie, mais à l’évidence Bordel SS proposait déjà à l’origine une image volontairement granuleuse, avec des effets étonnants que l’on retrouve aujourd’hui dans quelques films grindhouse, et des couleurs très poussées sur le sépia ou le fauve pour le fameux « bordel » contrastant avec les couleurs plus froides, plus « cafardeuses » des extérieurs. L’image en tout les cas est très singulière, et d’une esthétique réjouissante dans un film de ce genre. Quant aux décors, si le budget n’a pas permis des folies, ils tiennent globalement la route et bénéficient de l’aspect théâtral du film, qui a permis de concentrer l’action en un minimum de lieux. Reste la musique. De ce coté là elle est omniprésente. Les mêmes thèmes reviennent souvent et ils vont en surprendre plus d’un. J’ai adoré. Le coté berceuse par moment, le thème avec les chœurs que n’aurait pas renié un film d’heroic-fantasy des années 80, tout cela offre un mélange des plus curieux et des plus culottés. De l’audace que diable, voilà ce qui fait avancer les choses !
En clair Bordel SS est un excellent film, certes teinté de scènes X, mais qui vaut beaucoup plus que ce à quoi on serait tenté de le cantonner. Visuellement superbe d’originalité, il bénéficie d’une réelle histoire, pas exempt de défauts mais plaisante, et d’un casting capable de jouer la comédie. Pour ma part les quelques déceptions viennent d’un érotisme soft moins maitrisé que le hard ici, d’un rythme un peu longuet par moment et de quelques décors faiblards (le bureau des nazis). Tout n’est donc pas parfait, mais, partant dans l’idée de voir une série Z racoleuse, la surprise a été plus qu’inattendue, et je conseille vivement ce film aux amateurs de pépites méconnues.