Le Festin nu est un métrage attrayant de David Cronenberg, qui malheureusement, comme souvent chez le réalisateur, ne parvient jamais franchement à s’extirper du concept expérimental, affaissant un peu le propos. Mais il faut être honnête, le résultat est ici mieux maitrisé par le réalisateur que dans certains autres de ses films à l’instar de Crash ou même de Vidéodrome.
Côté casting on est servi avec des interprètes de haut vol qui viennent faire leur numéro dans la peau de personnages plus étranges les uns que les autres. On retiendra bien sur la prestation très solide de Peter Weller, dont le charme froid fait merveille, surtout en contraste avec le flegme qu’il manifeste ici de long en large. Dans les autres acteurs, parmi lesquels on reconnaitra Ian Holm ou Roy Scheider, j’ai surtout relevé l’interprétation brillante de Julian Sands. Il est détonnant dans son rôle d’Yves Cloquet, et chacune de ses apparitions est un grand moment. Globalement les acteurs sont au top.
Le scénario va dérouter. Partant sur des bases « normales », le film en vient très vite à un style surréaliste souvent déroutant, peuplé de créatures étranges, et évoluant au gré d’une intrigue qui se moque de la réalité, de la crédibilité ou de la logique. Le Festin nu est en fait une plongée dans le subconscient, et on a l’impression d’être dans un rêve ou un cauchemar (c’est selon). Pour ma part ce film est l’un des plus efficaces pour restituer cette impression que j’ai pu voir. Néanmoins il y a deux soucis. D’une part le film ne se veut pas complétement déroutant, et introduit donc des bribes d’histoire cohérentes de temps à autre. Ce n’est pas forcément malvenu, mais cette hésitation qui pointe parfois entre le rêve et la réalité a de quoi désappointer. Deuxième petit souci, le film dure presque 2 heures, et il faut avouer que passer un film de 2 heures sans une colonne vertébrale de fond, c’est parfois lassant malgré l’imagination indéniable du métrage.
Visuellement Le Festin nu est peu critiquable. Les décors sont beaux, souvent audacieux, et dégage une belle ambiance souvent rassurante d’ailleurs, ce qui n’est pas un mal vu les créatures peu rassurantes elles. Les effets spéciaux sont vraiment très bien faits malgré l’âge du film, et même si l’animation laisse un peu à désirer, c’est surtout sur le design que la réussite est sensible. On retrouve bien l’imagination de Cronenberg. Ce dernier soigne sa mise en scène, bien qu’à mon sens il a toujours été plus doué pour concevoir des univers que pour les filmer. Mais enfin Le Festin nu, sur la forme tient la route, tout comme sur l’aspect sonore d’ailleurs, avec une intelligente musique jazz qui renforce cette ambiance rétro agréable.
Pour ma part ce métrage est une réussite malgré tout. Bien sûr faudra accrocher au style Cronenberg, mais c’est un film original, audacieux, mais qui n’a pas totalement réussi à assumer sa dimension expérimentale et son propos. L’un empiète souvent sur l’autre, et Le Festin nu a du coup un aspect un peu bancal qui pourra embêter certains spectateurs. 4.